CITÉ DU VATICAN — Le pape Benoît XVI a plaidé pour «un profond renouveau de l’Église» le 6 février dernier à Rome, à l’ouverture d’un symposium sans précédent organisé par l’Église catholique pour éviter les scandales pédophiles qui l’ont entachée ces dernières années.


«Soulager les victimes doit être de la plus haute importance pour la communauté chrétienne et doit aller de pair avec un profond renouveau de l’Église à tous les niveaux», a affirmé le pape à l’ouverture de cette rencontre à laquelle ont participé des délégués de 110 conférences épiscopales et les supérieurs de 33 ordres religieux.


Près de dix ans après l’éclatement du scandale aux États-Unis, suivi de révélations en chaîne, de l’Europe à l’Australie, ces assises, pour une grande part à huis clos, ont pour thème «Vers la guérison et le renouvellement». Elles veulent assurer à l’avenir la «protection des enfants», mais aussi des «adultes vulnérables».


Alors qu’un des reproches faits à l’Église est d’avoir dans le passé protégé les coupables sans écouter les jeunes blessés, les participants ont reçu la consigne de rencontrer en privé des victimes avant d’aller à Rome. «C’est une responsabilité majeure que de pouvoir regarder cette plaie béante dans l’Église, les yeux ouverts», a déclaré hier à Radio Vatican le recteur de l’Université grégorienne où se tient le symposium, le Français François-Xavier Dumortier.


Ce colloque ne vise pas à «un effet de visibilité», a-t-il affirmé en réponse à ceux qui y voient une opération de relations publiques.


D’anciennes victimes ont vivement critiqué hier ce symposium géant qu’elles jugent inutile et organisé pour sauver la face de l’Église. Caramella Buona, une association italienne d’aide aux victimes, s’est plainte de n’avoir pu accréditer deux de ses membres.


Pour Sue Cox, coordinatrice de «Survivors Voice», une coalition de victimes en Europe et aux États-Unis, «ils n’invitent pas ceux qui ne sont pas de leur côté». «C’est juste du théâtre, cela ne sert à rien», selon Mme Cox qui souhaiterait que l’Église soit «ouverte à une enquête par une autorité indépendante».


Pour sa part, la seule victime invitée à ce colloque, Marie Collins, a expliqué qu’elle y voyait «un tournant» positif, un «pas dans la bonne direction». «Ce symposium semble marquer un changement d’époque, d’attitude de l’Église. Un événement extrêmement important pour chacun, pour l’Église, pour les survivants et pour l’avenir», a dit à l’AFP cette Irlandaise violée à l’âge de 13 ans par un prêtre dans un hôpital de Dublin.


«J’espère qu’il y aura la reconnaissance [par les évêques] que beaucoup de choses ont mal fonctionné dans le passé», a ajouté Mme Collins qui a joué un rôle essentiel dans la dénonciation des abus dans son Église en Irlande et rappelle que «les coupables ont été laissés libres».


Pour le jésuite et psychothérapeute Hans Zollner, organisateur du symposium, l’Église entend «assumer la responsabilité pour le mal commis».


Les réponses des victimes sont diverses: pour certaines, «trop blessées, le chapitre Église est clos». D’autres «désirent aider pour que cela ne se répète pas», observe-t-il à Radio Vatican.



L’évêque Marc Ouellet


Quarante rapporteurs prendront la parole sur toutes les dimensions du problème, de l’influence de la pornographie sur Internet à la formation des prêtres. Des évêques «qui ont agi courageusement en défense des victimes» aux Philippines, États-Unis, Mexique, Brésil, Allemagne et Afrique du Sud témoigneront, selon les organisateurs du symposium.


Une des difficultés est, en raison de différences culturelles, de faire prendre conscience aux Églises en Asie ou en Afrique de la dimension du problème dans leur société.


D’autres institutions et communautés doivent aussi prendre la mesure de l’étendue des abus chez eux, l’Église pouvant même «devenir leader dans la protection des mineurs», selon le père Zollner.


Le président de la Congrégation pour les évêques, le Canadien Marc Ouellet, présidera aujourd’hui en l’église Sainte-Ignace une veillée pénitentielle où des responsables de l’Église «demanderont pardon» aux milliers de victimes.


Au titre des mesures concrètes, un centre d’enseignement par internet, largement financé par des institutions catholiques allemandes, sera lancé pour permettre à tous les religieux dans le monde de se familiariser avec les meilleures pratiques. Il aura des relais au Ghana, au Kenya, en Argentine, en Équateur, en Inde, en Indonésie, en Allemagne et en Italie.



Agence France-Presse
Le Devoir