À la veille de sa démission historique, Benoît XVI a été acclamé par une foule chaleureuse, mercredi au Vatican, lors d’adieux émouvants au cours desquels il a évoqué « les eaux agitées » de son pontificat et assuré que « Dieu ne laisse pas couler la barque » de l’Église.


Devant quelque 150 000 personnes qui l’applaudissaient à tout rompre, en brandissant des drapeaux et des banderoles disant « merci » dans toutes les langues, Joseph Ratzinger a évoqué « les eaux agitées » de ses huit ans de pontificat.


Auparavant, par un temps frais mais avec un grand soleil, il avait fait un long tour de la majestueuse place en papamobile décapotée. Voûté et frêle, mais souriant et ému, à l’approche de ses 86 ans, il s’est arrêté à plusieurs reprises pour embrasser des bébés et des enfants.


Lors de son ultime audience publique, la 348e, il a aussi exprimé sa confiance dans l’Église et les simples fidèles rencontrés sur les cinq continents qu’il a remerciés longuement dans plusieurs langues, du portugais à l’arabe, de l’italien au polonais.


« Je suis vraiment ému et je vois l’Église vivante », a-t-il lancé à plusieurs reprises, en réponse aux acclamations de la foule qui scandait son nom en italien, « Benedetto, Benedetto ! »


L’accent était mis sur la confiance dans l’avenir. Mais, durant le pontificat, a-t-il reconnu, « il y a eu aussi des moments pas faciles, dans lesquels les eaux étaient agitées et le vent contraire, comme dans toute l’histoire de l’Église ».



Des controverses


Le pontificat de Benoît XVI a été ponctué de controverses, notamment sur la levée de l’excommunication d’un évêque révisionniste, mais surtout sur la gestion d’un vieux scandale sordide dans l’Église, celui des centaines de prêtres pédophiles que la hiérarchie a parfois protégés. Plus récemment, le scandale Vatileaks a révélé de nouvelles intrigues au Vatican, tandis que la presse évoquait la présence d’un « lobby gai ».


« Le Seigneur semblait dormir, mais j’ai toujours su que la barque de l’Église n’est pas mienne, n’est pas nôtre, mais qu’elle est Sa barque et qu’Il ne la laisse pas couler », a souligné Benoît XVI, en référence à un célèbre passage de l’Évangile où les apôtres s’affolent dans la tempête sur le lac de Tibériade, le Christ endormi à côté d’eux dans la barque.


« Dieu guide son Église, la soutient toujours et aussi dans les moments difficiles », a-t-il affirmé dans une dernière recommandation, en demandant à 1,2 milliard de catholiques de prier pour les cardinaux qui devront élire son successeur en conclave le mois prochain.


Benoît XVI a envoyé simultanément à ses 2,5 millions de « followers » ce qui pourrait être le dernier twitt de son pontificat, leur demandant de redécouvrir « la joie d’être chrétien ».


Le pape est longuement revenu sur sa décision de démissionner, qui n’a pas été toujours bien comprise, y compris par les catholiques : « Aimer l’Église signifie aussi avoir le courage de faire des choix difficiles », a-t-il dit, se déclarant « conscient de la gravité et de la nouveauté » de sa décision.


« Je ne reviens pas à la vie privée, à une vie de voyages, de rencontres, de réceptions, de conférences, etc. Je n’abandonne pas la croix, mais je reste d’une façon nouvelle près du Seigneur crucifié. Je n’assume plus le pouvoir de la charge du gouvernement de l’Église, mais je demeure dans le service de la prière », a-t-il dit.


Dans la foule, de nombreux laïcs, mais aussi des religieux, dont une soixantaine de cardinaux. « C’est vraiment une joie pour nous d’être là aujourd’hui pour ce moment historique », confiait Alban, qui étudie au séminaire français de Rome.


Anna Santamaria, retraitée d’Orte, qui voulait « le voir une dernière fois », dit « comprendre sa décision ». « À son âge, c’est trop difficile », a-t-il dit. Alors que Leonardo Rossi, un jeune de l’Opus Dei, n’est pas du même avis : « Ce n’était pas le moment, avec tous les problèmes que traverse l’Église. »



Grands moments


Des paraboles de télévision et des écrans géants étaient installés, comme à tous les grands moments, des funérailles de Jean-Paul II en 2005 à sa béatification en 2011.


Si l’audience a respecté le même déroulé que les autres, il n’y a en revanche pas eu de baciamano, ce défilé de personnes qui ont le privilège de baiser l’anneau du pape et d’échanger quelques mots avec lui. Le pape ne voulait marquer aucune différence en ce moment de départ, entre les gens importants et les anonymes.


Le pape allemand, qui a pris la décision historique de démissionner, est le premier pontife à le décider librement en sept siècles.


Il avait annoncé le 11 février qu’il n’avait plus les forces d’assumer ses fonctions face aux défis d’un monde en pleine mutation.


Jeudi, Joseph Ratzinger quittera le Vatican, sans cérémonie, pour se retirer sous le titre de « Sa Sainteté Benoît XVI, pape émérite » dans sa résidence d’été de Castel Gandolfo. Puis il s’installera dans un monastère, caché aux yeux du monde, sur la colline du Vatican.


Avec une simplicité correspondant à son tempérament, le pape mettra fin à ses fonctions jeudi à 19 h GMT. Rien ne marquera cet instant.



Agence France-Presse
Le Devoir