« 2,1 milliards de chrétiens dans le monde ignorent ce qui s’est passé ici. Si Marc Ouellet est élu, ça va se savoir. » — Carlo Tarini, porte-parole de l’Association des victimes de prêtres


Des membres de l’Association des victimes de prêtres ont annoncé dimanche qu’ils soutenaient fortement la candidature de Marc Ouellet comme pape. Un appui ironique? « Non, c’est très sérieux », dit leur porte-parole.


Parmi les membres de l’association coiffés de mitres papales réunis devant l’église Saint-Viateur d’Outremont, Carlo Tarini a expliqué que les victimes de prêtres pédophiles disposeront de deux atouts majeurs pour faire avancer leur cause si Marc Ouellet succède à Benoît XVI. D’abord, selon eux, l’élection du Québécois attirerait l’attention internationale sur les nombreux cas d’abus commis par des prêtres pédophiles au Québec.


Ainsi, l’Église subirait plus de pression et plusieurs dossiers de victimes, qui n’avancent pas depuis des années, pourraient débloquer, disent-ils.


L’autre avantage serait que Mgr Ouellet, s’il prend la tête de l’Église catholique, aura effectivement le pouvoir de régler le dossier. Les manifestants qui parodiaient le conclave dimanche disent à ce sujet qu’ils sont prêts à donner une chance à Marc Ouellet, que le diocèse de Québec qualifie d’homme « plein de compassion ». Si c’est vrai, affirment-ils, le nouveau pape pourra les aider.


D’un autre côté, le porte-parole des victimes déplore que le cardinal Ouellet tout comme le cardinal Jean-Claude Turcotte n’aient jamais admis la responsabilité de l’Église catholique dans les nombreux cas d’abus d’enfant alors qu’ils étaient archevêques de Québec et Montréal.



Un médiateur réclamé : Bastarache


Plus tôt cette semaine, à quelques jours du conclave qui se prépare au Vatican, l’organisation qui défend les victimes de prêtres pédophiles aux États-Unis, le SNAP, a fait un coup d’éclat en publiant une liste ciblant des cardinaux qui ont voulu, disent-ils, étouffer le scandale des prêtres pédophiles. Le nom de Marc Ouellet figure sur cette liste.


C’est après cette sortie que l’association des victimes québécoises s’est demandé ce qu’elle-même pouvait faire à la veille de l’élection du prochain pape. La décision d’appuyer Marc Ouellet découle de cette réflexion. Mais l’association a aussi des revendications plus politiques. Elle demande notamment à l’Église d’aller en médiation avec elle. Et elle a déjà un médiateur en tête, l’ex-juge Michel Bastarache, qui a présidé la Commission d’enquête sur le processus de nomination des juges.


L’Association espère qu’une médiation permettra de mettre un terme aux « hostilités judiciaires », alors que le dossier des prêtres pédophiles est loin d’être clos. L’Église refuse toujours de dédommager les victimes et elle tente de les épuiser sur le plan juridique, dit Carlo Tarini. Or, les personnes qui accusent les prêtres d’avoir abusé d’elles il y a de cela plusieurs décennies vieillissent et elles ne peuvent pas attendre, affirme le porte-parole.


Le combat est difficile, dit-il, notamment à cause du problème de prescription de trois ans prévue dans la loi québécoise, qui stipule qu’une personne ne peut plus, en principe, poursuivre un agresseur passé un délai de trois ans. Cette disposition pénalise les victimes de pédophilie, qui étaient enfants au moment du crime, souligne Carlo Tarini. L’Association dit qu’elle est en discussion avec le ministre de la Justice Bertrand Saint-Arnaud à ce sujet pour tenter de faire changer la loi.


En attendant, « votez pour Mgr Ouellet », demande l’association aux 115 cardinaux rassemblés à Rome.



La Presse Canadienne
Radio-Canada