Le Vatican a annoncé aujourd’hui la nomination de l’archevêque de Québec, le cardinal Marc Ouellet, à la tête de la Congrégation pour les évêques. La rumeur sur cette nomination circulait depuis plusieurs jours.


Le poste de préfet de la Congrégation des évêques confère à son titulaire le pouvoir de sélectionner les évêques en vue de leur nomination par le pape.


Le primat du Canada succèdera au cardinal Giovanni Battista Re, qui prend sa retraite après avoir occupé ce poste pendant près d’une décennie.


Comme son prédécesseur, Mgr Ouellet, qui est âgé de 66 ans, sera aussi président de la Commission pontificale pour l’Amérique latine.


L’archevêque de Québec dit accepter avec un mélange de joie et de crainte la nouvelle mission qui lui est proposée à Rome par le pape Benoît XVI.


En conférence de presse cet après-midi, il a expliqué que les responsabilités du préfet de la Congrégation des évêques sont énormes. Il a entre autres évoqué ce qu’il a appelé les «situations difficiles» qui peuvent survenir, en référence au scandale des prêtres pédophiles qui continue à défrayer les manchettes.


Puis, d’une voix brisée par l’émotion, il s’est dit attristé de quitter le diocèse de Québec, où il dit avoir tissé des liens profonds depuis son arrivée en 2002.


Le cardinal Ouellet a par ailleurs déclaré ne pas avoir été surpris par les réactions générées par certains de ses propos, notamment concernant l’avortement. Il dit avoir essayé de donner l’exemple, sans être parfait, et que son engagement s’est fait en toute conscience.


Il en a aussi profité pour décocher une flèche aux médias, déclarant que l’image médiatique faite de lui représentait un obstacle à ses contacts avec les gens. Mais une fois la discussion engagée, a-t-il dit, les préjugés tombaient.


Mgr Ouellet rencontrera le pape la semaine prochaine. Il a rappelé connaître Benoît XVI depuis longtemps, et souligné que le pape sait qu’il pourra compter sur lui dans les moments difficiles.


Le Vatican a également annoncé que Mgr Rino Fisichella prend la tête d’un nouveau ministère chargé de promouvoir l’évangélisation dans les pays catholiques qui se tournent vers la sécularisation.


Mgr Fisichella était président de l’Académie pontificale pour la vie et recteur de l’Université pontificale du Latran.



Rien de bon pour les femmes


Réagissant à cette nouvelle, Québec solidaire et la Fédération des femmes du Québec ont fait savoir que cette nomination n’augure rien de bon pour les droits des femmes.


Mgr Jean-Claude Turcotte, archevêque du diocèse de Montréal, soutient pour sa part que l’Église québécoise va bénéficier de la présence à Rome d’un prélat aussi influent.


À titre de chef de la Congrégation pour les évêques, le cardinal Ouellet aura pour tâche de présenter au pape Benoît XVI les noms des futurs évêques de plusieurs endroits à travers le monde, notamment en Amérique latine.


Or, les positions ultraconservatrices de Marc Ouellet concernant l’avortement, l’euthanasie, le mariage gai et l’enseignement religieux vont assurément influencer le choix des futurs évêques, s’inquiète Québec solidaire.


Loin d’être une bonne nouvelle, le départ pour Rome du cardinal Ouellet confirme le grand «vent de droite qui souffle sur l’Église», a dit la leader de la formation de gauche, Françoise David.


Alors que l’Église semble se replier sur ses positions traditionnelles, Mme David redoute la désignation, au Québec, d’un successeur tout aussi inflexible que Mgr Ouellet sur les questions morales.


«Je crains beaucoup qu’il y ait des évêques qui soient nommés au Québec et qui soient des gens extrêmement rigides, très proches des idées de Rome, alors que pendant plusieurs années nous avons eu au Québec des évêques plus conciliants, plus proches des idées modernes», a-t-elle dit.


Pour les femmes, surtout celles d’Amérique latine et du tiers-monde, la nomination de Marc Ouellet est un bien mauvais présage, croit aussi la Fédération des femmes du Québec.


La présidente de la fédération, Alexa Conradi craint de nouvelles attaques contre le droit à l’avortement dans les pays où l’Église catholique continue de colorer les politiques publiques.



Des retombées positives


Mais pour l’archevêque de Montréal, Jean-Claude Turcotte, l’important ministère du Vatican confié au cardinal québécois aura des retombées positives au Québec.


«Je me réjouis. Je pense que ça va aider notre pays d’avoir quelqu’un là-bas qui compte parmi les 10 plus proches collaborateurs du Saint-Père, qui connaît le Québec et qui pourra apporter une meilleure connaissance là-bas des problèmes que nous connaissons ici», a-t-il dit.


Abbé à la paroisse Sainte-Anne-de-Varennes, Raymond Poisson convient que les positions exprimées par Mgr Ouellet ont rendu difficiles ses relations avec la vaste majorité de la population québécoise, y compris les fidèles.


Pourtant, qu’il s’agisse de son opposition très stricte à l’avortement ou au mariage gai, le cardinal n’a fait qu’exprimer les valeurs de l’Église, a-t-il fait remarquer.


«Peut-être que Mgr Ouellet n’a pas eu la meilleure occasion, ou le meilleur tact possible, pour rappeler des positions fondamentales de l’Église par rapport à l’euthanasie ou à l’avortement», a prudemment avancé l’abbé.



Le Devoir