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Le pape François a présenté des excuses officielles historiques lundi aux survivants des pensionnats pour Autochtones. La majorité de ces établissements financés par le gouvernement fédéral, où des milliers d’enfants autochtones ont été victimes de négligence et d’abus physiques et sexuels, étaient gérés par l’Église catholique.

 

En prévision de la visite papale, les chefs autochtones avaient formulé des demandes concrètes sur ce qu’ils souhaitaient entendre de la bouche du souverain pontife et sur les prochaines étapes à entreprendre sur le chemin de la réconciliation.

 

Voici ce que le pape François n’a finalement pas fait:

 

Abolir la doctrine de la découverte

L’Assemblée des Premières Nations (APN) est l’un des groupes qui ont réclamé haut et fort l’invalidation de cette politique datant du XVe siècle.
 

Il s’agit d’un décret du Vatican que de nombreux pays, dont le Canada, ont utilisé pour justifier la colonisation de terres ancestrales des Premières Nations.
 
L’APN soutient que cette politique ne tient pas compte de l’indépendance des Premières Nations et qu’elle continue d’avoir des impacts juridiques de nos jours.
 
Après les excuses du pape, à Maskwacis, en Alberta, des gens ont crié pour lui demander d’invalider cette doctrine.
 

S’excuser au nom de l’Église catholique romaine en tant qu’institution

Dans son discours d’excuses, le pape a demandé pardon «pour le mal commis par de nombreux chrétiens contre les peuples autochtones».
 

Murray Sinclair, qui a été président de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, a mentionné que le pape a laissé un «vide important» en refusant de reconnaître le rôle de l’Église elle-même dans le système des pensionnats. Il a été déçu d’entendre le chef de l’Église «mettre la faute sur des individus».
 
«On ne parle pas seulement de quelques personnes mal intentionnées, a-t-il rappelé. Il s’agissait d’un effort commun pour retirer des enfants de leur famille et de leur culture, tout ça au nom du Christ tout puissant.»
 
La Commission de vérité et réconciliation avait inscrit cette demande comme l’un de ses 94 appels à l’action.
 

Mentionner d’une façon ou d’une autre les abus sexuels – ou même un génocide

La Commission de vérité et réconciliation, dans ses appels à l’action, soulignait que le pape devrait reconnaître le rôle de l’Église pour les «mauvais traitements sur les plans spirituel, culturel, émotionnel, physique et sexuel que les enfants des Premières Nations, des Inuits et des Métis ont subis dans les pensionnats».
 
Le pape François a bien fait mention des abus «physiques et verbaux, psychologiques et spirituels», mais n’a jamais parlé d’abus sexuels.
 

Le professeur à l’Université Western et membre de la réserve des Six Nations, Cody Groat, est convaincu que le discours du pape a été soigneusement préparé et que la décision d’omettre les abus sexuels était volontaire.
 

«C’est quelque chose que de nombreuses personnes ont dénoncé, a-t-il assuré. Maintenant qu’il n’a pas reconnu les abus sexuels, nous devons assurer un suivi.»
 

Le Saint-Père n’a pas non plus utilisé le terme «génocide», même si la Commission de vérité et réconciliation avait conclu, en 2015, que le système des pensionnats a mené à un «génocide culturel».
 

Ouvrir les portes des archives

Le Vatican et les entités catholiques du Canada sont appelés à rendre publics plus de documents liés au fonctionnement des pensionnats et à remettre les artefacts autochtones à leurs propriétaires d’origine.
 
L’Église est notamment sous pression afin de remettre aux Premières Nations des documents qui pourraient permettre d’identifier les personnes qui ont été enterrées près des anciens pensionnats. Depuis l’an dernier, de nombreuses fouilles menées par radar à pénétration de sol ont permis de localiser ce que l’on pense être des centaines de tombes non marquées sur les sites d’anciens pensionnats de l’Ouest canadien.
 
Evelyn Korkmaz, une survivante des pensionnats, a remarqué que les excuses du pape ne mentionnaient pas la remise des documents détenus par l’Église.
 
«C’est notre histoire qui se trouve dans ces documents, a-t-elle martelé. Ils contiennent les informations sur ces enfants. Cela permettrait à leurs familles et à leurs proches de tourner la page. Tout le monde a besoin de tourner la page pour guérir et aller de l’avant.
 
«Tout ce que nous demandons, c’est que ces documents soient rendus publics. Leur place est ici, au Canada. Ils nous appartiennent», selon elle.
 

Promettre un dédommagement

Les excuses du souverain pontife et sa visite au Canada surviennent alors que l’Église catholique fait l’objet de critiques pour ne pas avoir respecté ses engagements financiers envers les survivants des pensionnats.
 
L’un des principaux points de discorde concerne une collecte de fonds à laquelle 48 entités catholiques ont participé dans le cadre de l’indemnisation des survivants.
 
L’objectif annoncé était de 25 millions $, mais seulement 4 millions $ avaient été récoltés lorsqu’un juge a tranché, en 2015, que la collecte pouvait prendre fin.
 
En septembre dernier, la Conférence des évêques catholiques du Canada a aussi annoncé qu’elle s’engageait à consacrer 30 millions $ sur cinq ans à des initiatives liées à la réconciliation.
 
Avant l’arrivée du pape, les évêques ont indiqué que les diocèses avaient contribué à cet effort à hauteur de 4,6 millions $ jusqu’à présent.

 
 

Stephanie Taylor
La Presse canadienne

 
 

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