Le crucifix rejoindra une section muséale qui sera créée dans l'hôtel de ville afin de mettre en valeur des objets patrimoniaux. Photo Alain Roberge, La Presse
Le crucifix rejoindra une section muséale qui sera créée dans l’hôtel de ville afin de mettre en valeur des objets patrimoniaux. Photo Alain Roberge, La Presse

 
 

Le crucifix trônant dans la salle du conseil municipal de Montréal sera retiré. La métropole profitera des travaux qui auront lieu à l’hôtel de ville pour les trois prochaines années pour enlever le symbole religieux et ne le réinstallera pas à la fin du chantier.

 

« Avec les travaux, on devait réfléchir à la place du crucifix dans la salle du conseil et on a pris la décision de retirer le crucifix », a annoncé ce matin Laurence Lavigne Lalonde, élue responsable des institutions démocratiques au sein de l’administration Plante.

 

L’ensemble des élus et des 200 employés travaillant à l’hôtel de ville déménageront en avril pour au moins trois ans, alors que l’hôtel de ville doit subir une importante cure de jeunesse.

 

L’administration Plante dit avoir profité de cette fenêtre pour réfléchir sur la place du crucifix. Au terme de la réflexion, il a été déterminé que la croix n’avait plus sa place au-dessus de la tête des élus.

 

Laurence Lavigne Lalonde a rappelé que le crucifix a été installé en 1937, un an après celui de l’Assemblée nationale à Québec. C’est le conseiller municipal Joseph-Émile Dubreuil qui avait demandé que la croix soit ajoutée à la salle du conseil « afin que les échevins se souviennent des serments qu’ils ont prêtés ».

 

« Il y a consensus pour dire que le contexte a changé. On vit dans une société qui a évolué et qui est représentée par des institutions démocratiques, qui se doivent d’être laïques, neutres et ouvertes. C’est pour cette raison que le crucifix sera enlevé et ne et ne sera pas réinstallé dans la salle du conseil à notre retour à l’hôtel de ville », a indiqué Mme Lavigne Lalonde.

 

Le crucifix rejoindra une section muséale qui sera créée dans l’hôtel de ville afin de mettre en valeur des objets patrimoniaux. Il sera ainsi visible pour les milliers de citoyens visitant l’hôtel de ville chaque année. « On est conscient que le crucifix un symbole important pour Montréal. L’objectif n’est pas de faire du déni de notre histoire, mais plutôt de mettre en valeur cet élément », assure Mme Lavigne Lalonde.

 

Ce n’est pas la première fois que la Ville de Montréal revoit son rapport à la religion. D’abord, le crucifix était absent à la construction de l’hôtel de ville en 1878. Il a été ajouté en 1937 en même temps qu’une prière a été introduite pour ouvrir les séances du conseil municipal. En 1987, Montréal a remplacé la prière ouvrant la séance par un moment de recueillement. Le crucifix devait être retiré en 1992 lors de travaux réalisés à la salle du conseil, mais il a finalement été laissé en place. En 2002, une consultation devait avoir lieu sur la place du crucifix, mais le projet a été abandonné.

 

« On vient clore ce chapitre de notre histoire et on réaffirme le caractère laïc de notre institution », a ajouté Mme Lavigne Lalonde.

 

La mairesse Valérie Plante s’est dite à l’aise avec cette décision et salué la création d’un espace dédié aux objets patrimoniaux. « Là où je suis rassurée, c’est qu’on va profiter de ce déménagement pour que, lorsqu’on reviendra dans notre hôtel de ville, on avoir cet espace muséal dédié aux objets patrimoniaux », a-t-elle dit.

 

L’hôtel de ville doit subir à partir de juin d’importants travaux de modernisation, qui nécessite son évacuation complète. La fondation du bâtiment, son électricité et l’imperméabilisation doivent être refaits. « C’est un bel édifice patrimonial, mais il est vétuste, pas sécuritaire à certains égards » a indiqué Benoît Dorais, président du comité exécutif. Les élus et 200 employés déménageront dans un édifice voisin, Lucien-Saulnier, le temps des travaux. Le retour à l’hôtel de ville n’est pas prévu avant 2022, soit au début du prochain mandat.

 

Le déménagement du personnel débutera le 5 avril. Le dernier conseil municipal prévu dans cette enceinte aura lieu le 15 avril. Dès le 13 mai, les réunions mensuelles des élus auront lieu à l’édifice Lucien-Saulnier.

 
 

Pierre-André Normandin
La Presse

 

***

 

Déclaration de l’archevêque de Montréal, Mgr Christian Lépine, à la suite de l’annonce du retrait du crucifix de l’hôtel de ville de Montréal

À Montréal, un crucifix a été installé dans la salle du conseil municipal en 1937, il y a maintenant 82 ans. Par ce geste, les élus de l’époque exprimaient la reconnaissance de notre histoire et de nos racines. Déjà en 1643, Maisonneuve avait posé la croix sur le Mont-Royal, de sorte que ce signe de l’Amour qui donne tout pour toute l’humanité, fait partie de l’espace public depuis la fondation de notre ville.

 

On apprend aujourd’hui que le crucifix qui orne les murs de l’hôtel de ville sera retiré et transféré dans un musée attenant. Cette décision appartient aux élus qui représentent la volonté des Montréalais qui sont tous citoyens à part entière de notre société.

 

En tant que signe vénéré par les chrétiens, le crucifix est un signe toujours vivant et ouvert au respect des autres croyances qui vénèrent leur propre signe. Malgré tout, rien ne nous empêche, peu importe nos croyances, de nous rencontrer sur la place publique et nous respecter, dans un esprit d’ouverture aux autres, alors que nous partageons tous la même humanité.

 

Du point de vue de la transmission des valeurs de vie spirituelle, de vivre-ensemble et de solidarité, le crucifix a toujours son sens en ce qu’il exprime et résume ce qui anime la population montréalaise, depuis la fondation de notre ville et constitue un héritage dont nous pouvons tous être fiers.

 

 

Christian Lépine
Archevêque de Montréal

 

***

 

Le crucifix est là pour rester à l’hôtel de ville de Montréal (February 19, 2011)