Jean Paul II proclamé bienheureux

Le pape Jean Paul II a été proclamé bienheureux dimanche par son successeur Benoît XVI, sous les vivats de la foule réunie place Saint-Pierre au Vatican pour une cérémonie qui a rassemblé plus d’un million de personnes dans la capitale italienne.


«Nous, accueillant le désir de nombreux fidèles, acceptons que le vénérable serviteur de Dieu, Jean Paul II, pape, puisse être déclaré bienheureux». À ces mots du pape, prononcés en latin, une immense clameur s’est élevée, les fidèles applaudissant à tout rompre sous un grand soleil, tandis que d’autres s’agenouillaient sur les durs pavés de la place.


Aussitôt une immense photo de Karol Wojtyla, bien avant sa déchéance physique due à la maladie, a été dévoilée devant la foule de fidèles parfois en larmes, dont certains ont crié «Santo Subito» («saint tout de suite»).


La cérémonie était suivie en direct en Pologne par des milliers de personnes massées malgré la pluie sur la grande place Pilsudski, près du centre historique de Varsovie, là où Jean Paul II avait lancé un appel en 1979 au Saint-Esprit à «venir rénover la face de cette terre».


Benoît XVI, portant une mitre et une chasuble ayant appartenu au pape défunt, a fixé au 22 octobre la date pour la «vénération» du «bienheureux» au nom duquel un autre miracle devra être accompli pour qu’il puisse accéder à la sainteté.


Puis deux religieuses, la Polonaise Tobiana Sobodka vêtue de noir, qui avait assisté le pape, et la soeur française toute en blanc Marie Simon-Pierre, la miraculée à l’origine de sa béatification, ont présenté à la foule des fidèles un reliquaire contenant une ampoule de son sang.


Dans son homélie, Benoît XVI a rendu hommage à la «force de géant» de son prédécesseur qui sut «redonner l’espoir au christianisme» face au marxisme et «inverser une tendance qui semblait irréversible».


Lors de la cérémonie, les moments forts de sa vie ont été rappelés: son passé d’ouvrier, d’archevêque de Cracovie, puis son pontificat de plus d’un quart de siècle (de 1978 à 2005), l’un des plus longs de l’histoire de l’Église catholique, marqué notamment par un attentat contre sa personne en 1981.


La préfecture de Rome a avancé le chiffre d’un million de personnes présentes dans la capitale, dont des centaines de milliers Place Saint-Pierre et dans les rues adjacentes, inconditionnels de celui que certains surnomment déjà «Karol le grand» et voient en lui un «saint».


Les Polonais étaient omniprésents -quelque 80 000-, avec drapeaux et banderoles. Mais aussi beaucoup d’Italiens, d’Espagnols et de Français (plus de 40 000) portant fanions et ombrelles aux couleurs vaticanes jaune et or.


Cette fête de béatification permet à l’Église de réaffirmer sa confiance en elle alors qu’elle est ébranlée par un grave scandale de pédophilie. Un scandale sur lequel Karol Wojtyla se voit reprocher par les associations de victimes d’avoir fermé les yeux ou de n’avoir pas réagi suffisamment, par un réflexe de défense de l’institution.


L’ambiance dans la foule était joyeuse et fervente malgré quelques moments d’énervement alors que toutes les rues adjacentes étaient bondées.


Prêtres en soutane ou en clergyman, religieuses de toutes obédiences, familles de milieux modestes ou bourgeois, jeunes sac à dos étaient côte à côte. De nombreux pèlerins suivaient la cérémonie sur quatorze écrans géants disséminés en ville. 800 prêtres ont donné la communion aux fidèles agglutinés autour du Vatican.


À l’issue de la cérémonie, les fidèles devaient défiler devant le cercueil couvert d’un drap bordé d’or, porté des Grottes vaticanes devant l’autel principal, une procession qui pourrait s’étirer jusqu’à la nuit.


Joseph Ratzinger a évoqué la longue agonie de son prédécesseur et «son témoignage dans la souffrance». «Dépouillé petit à petit de tout, il est resté un rocher comme le Christ l’a voulu», a dit Benoît XVI qui fut son bras droit et l’un des derniers à le voir avant son décès le 2 avril 2005.


Le processus de béatification du très charismatique pape polonais a été mené en un délai record de cinq ans et sept mois. Dès le jour des funérailles de Jean Paul II, de nombreux catholiques avaient crié place Saint-Pierre «santo subito».


87 délégations étrangères, dont 23 chefs d’État et de gouvernement, parmi lesquels le président zimbabwéen Robert Mugabe, banni de l’Union européenne, et des représentants de cinq familles royales avaient fait le voyage. La présence du premier ministre français François Fillon et du président de la Commission européenne José Manuel Barroso à cette cérémonie religieuse a été critiquée par les défenseurs de la laïcité.



Jean-Louis De La Vaissiere
Agence France-Presse


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Vatican – L’Église de Benoît n’est pas celle de Jean-Paul
Réginald Harvey, Le Devoir, 23 avril 2011


En passant du Polonais Jean-Paul II à l’Allemand Benoît XVI, du philosophe au théologien, l’Église catholique a-t-elle vécu des changements notables depuis le 19 avril 2005? Sur les plans dogmatique, politique, social et de la gouvernance, Joseph Aloïs Ratzinger dirige les destinées du Vatican depuis à peu près six ans jour pour jour; quels courants s’en dégagent? Lire.

Il triomphe, et sa gloire éblouit tout de ses rayons

‘La fête chrétienne est multiple. Elle commémore à la fois la sortie d’Égypte, l’institution eucharistique lors du repas de la Pâque, la crucifixion du Christ et son repos au tombeau durant trois jours, sa résurrection, passage de la mort à la vie, et la nouvelle création inaugurée le troisième jour’ …


… ‘Ainsi, Pâques est célébré le dimanche après le 14e jour du premier mois lunaire du printemps, donc le dimanche après la première pleine lune advenant pendant ou après l’équinoxe de printemps. Dans la pratique, il est plus simple de revenir aux origines : Pâques correspond au premier dimanche qui suit la première pleine lune de Printemps’ …



‘Pour les catholiques, le symbolisme de la lumière de Pâques a un sens cosmique. La référence à l’équinoxe et à la pleine lune n’est pas pour eux quelque chose de fortuit : elle est voulue par Dieu lui-même. Ce n’est qu’à l’équinoxe que le Soleil éclaire toute la Terre tandis que, au même moment, la pleine lune continue à réfléchir ses rayons pendant la nuit’



Le Québec dans les archives secrètes du Vatican

Des chercheurs recommencent à fouiller les très, très riches archives secrètes du Vatican. Surprise! Ils y découvrent des choses cachées qui concernent le Québec, depuis la fondation de la Nouvelle-France jusqu’à la Révolution tranquille.


Quelle métropole a eu la plus grande influence sur le Québec? Paris ou Londres? New York ou Rome? Et pourquoi pas toutes ces villes?


«Grosso modo, ces quatre métropoles ont structuré notre société jusqu’à 1970-1980», explique le professeur de sociologie Jean-Philippe Warren, titulaire de la Chaire d’histoire sur le Québec de l’Université Concordia. «La France est la métropole pour la langue, les traditions populaires, le folklore et la grande culture, les idées, les livres, les arts; la métropole britannique a donné au Canada français ses institutions politiques; ensuite, New York va fournir la culture de masse envahissante très rapidement, dès la fin du XIXe siècle; puis la quatrième métropole, c’est Rome, avec le Vatican, qui apporte la religion et, à travers elle, bien d’autres considérations parareligieuses, qui touchent à l’éducation, au droit, au politique, au social.»


Et alors? Et alors, ce simple constat change la perspective sur la petite colonie réputée fermée comme un ciboire dans un tabernacle. «On colporte toujours le cliché de la société québécoise tricotée serré et frileuse, repliée sur elle-même et traditionnelle dans une Amérique ouverte, moderne et progressiste, poursuit le professeur. Ce qui me frappe plutôt quand j’étudie cette histoire, c’est le métissage mondial. Et ce qui me frappe aussi, c’est que les historiens n’ont pas encore construit une vision d’ensemble, notamment de la dynamique vaticane.»


On y arrive donc. Après avoir beaucoup fouillé ici, les savants élargissent l’horizon et développent des perspectives comparatives. Le Musée de la civilisation de Québec prépare un survol de 2500 ans d’histoire de Rome en quelque 300 oeuvres, première grande expo-synthèse autour de cette idée phare des métropoles essentielles. Le colloque Les archives du Vatican: pistes et défis pour la recherche sur le Québec et l’Amérique française continue l’exploration par d’autres moyens.


La rencontre sera organisée à Rome les 5 et 6 mai. Des douzaines de chercheurs sont attendus au Consiglio nazionale delle ricerche, sur la place A. Moro. Une douzaine de partenaires institutionnels, dont la délégation du Québec à Rome, participent à l’organisation des rencontres savantes.


«Je suis devenu la cheville ouvrière d’un projet qui me dépasse largement, explique le professeur Warren, en parlant de ce colloque. Le maître d’oeuvre, c’est le professeur italien Matteo Sanfilippo, grand spécialiste du domaine, qui a publié de nombreuses études. Ce projet de faire parler les archives du Vatican sur l’Amérique francophone, un chantier ouvert dans les années 1990 par les Italiens, a connu une baisse au début des années 2000. On espère restimuler la recherche dans ce labyrinthe inextricable parce que, à partir des archives du Vatican, il y a possibilité de reprendre la question québécoise et la question canadienne-française de manière originale.»


Les coûts ont ralenti les travaux pionniers des chercheurs italiens, souvent encouragés par feu le professeur Pierre Savard de l’Université d’Ottawa. En plus, il faut maîtriser l’italien et le latin pour lire une bonne partie des documents. La masse himalayenne de documents à éplucher, répartie sur 85 kilomètres linéaires de tablettes, finit aussi par décourager. «C’est comme si à la Bibliothèque nationale il y avait un troisième sous-sol oublié, négligé, mais bourré de documents importants et méconnus», résume M. Warren.



Louis XIV, Rome et la Nouvelle-France


Il cite alors l’exemple de la gigantesque salle des index des Archivum Secretarum Vaticanum, où se trouvent «trois immenses volumes» pour les seuls documents concernant le Canada. Et ce ne sont que les index, pas les archives elles-mêmes. Il faut ajouter les index sur la Nouvelle-France et ceux concernant l’Amérique française contenus dans les volumes sur les États-Unis, le Commonwealth, la France ou la Grande-Bretagne pour mesurer l’ampleur des informations à fouiller dans plusieurs centaines de boîtes d’archives. Pour la seule période 1922-1939 qui vient de s’ouvrir à la consultation, il y aurait entre 200 et 300 boîtes «canadiennes» non classées.


«Franchement, les chercheurs ont eu peur et nous, nous tentons de relancer ce chantier, commente alors M. Warren. La cartographie même des contenus reste à faire. On est en pleine terra incognita et on a peur de subir le sort du docteur Livingston en se perdant dans la brousse.»


Le colloque, à mi-chemin entre l’atelier de travail et le symposium, rassemble des historiens, des politologues, des archivistes, et même des muséologues. Roberto Perin, de l’Université York, prononce l’adresse inaugurale en parlant de Rome, des relations internationales et de la question nationale avant la Seconde Guerre mondiale. La Nouvelle-France occupe une bonne part du reste de la première journée. Le professeur Giovanni Pizzorusso (Université Gabrille D’Annunzio) analyse par exemple les révélations sur cet ancien régime dans les archives du Saint-Office.


«Au moment de la Nouvelle-France, le Roi-Soleil consacre un budget [des dizaines de fois] plus important pour son ambassade à Rome que pour toute sa colonie de la Nouvelle-France. Rome, c’était un lieu de pouvoir fabuleux où se prenaient des décisions capitales. Si le Brésil parle portugais, c’est qu’un pape en a décidé ainsi en divisant le monde. Par contre, je ne m’attends pas à de grandes épiphanies historiennes. Il n’y a pas beaucoup de surprises en historiographie. Mais des choses se cristallisent. […] Mon hypothèse forte, c’est que toute institution a ses continuités.»


Le Canada français compte autant qu’un pion sur l’échiquier mondial. Une des obsessions papales concerne la conversion des anglicans au catholicisme. Au XIXe siècle, le Saint-Siège croit pouvoir infléchir la Couronne britannique, et la carte de l’Amérique française est jouée dans cette perspective. «Il y a un hiatus entre le haut clergé et le bas clergé, explique le spécialiste. Le premier est plus nationaliste et le second, choisi en fonction des intérêts mondiaux, se fait plus conciliant et ne pense pas nécessairement en terme de préservation de la langue et de la culture.»


Une des premières encycliques pontificales portant sur un pays en particulier, Affari Vos (1897), porte d’ailleurs sur le litige des écoles confessionnelles du Manitoba. Léon XIII se prononce à la demande de Wilfrid Laurier, élu l’année précédente.


À l’ouverture de la prochaine tranche des archives, celle d’après 1939, le professeur Warren espère comprendre le rôle joué en 1950 par la haute hiérarchie vaticane dans l’éviction de Mgr Charbonneau, jugé antiduplessiste. Il sera aussi possible de juger l’influence de Vatican II sur la Révolution tranquille, deux événements synchrones. Là encore, selon la formule, «Rome a parlé».


Les spécialistes souhaitent se réunir tous les deux ans. Éventuellement, avec relativement peu d’argent (quelques centaines de milliers de dollars), il serait possible de numériser toutes les archives pour en démocratiser l’accès. Des présentations traiteront de cette nouvelle et prochaine vie numérique des trésors.


«C’est un objectif concret, conclut le professeur Warren. Une fois la numérisation complétée, l’économie sera considérable. En tout cas, on n’aura pas besoin de se déplacer jusqu’au coeur de la métropole romaine pour fouiller des archives sur le Québec et l’Amérique française…»



Stéphane Baillargeon
Le Devoir

Vendredi Saint : Des nouvelles de la Bible

Les nombreux formats inusités en assurent la pérennité, du texte à l’hypertexte


«On a ça ici?», lance le caissier ébaubi de Chapters en voyant atterrir la Bible sur le comptoir, sandwichée entre deux vains prétextes, Food Rules de Michael Pollan et Utopie de Thomas More.


«Ben, ouais… à côté du rayon de la psycho-pop», l’informai-je, hésitante. Que ce Loblaw du livre vende des tapis de yoga et des théières en inox, rien de plus banal, mais trouver le best-seller de tous les temps écoulé à six milliards d’exemplaires à côté de Qui a piqué mon fromage?, c’est vrai, ça peut déstabiliser.


J’ai observé ma nouvelle bible. D’une banalité désarmante — 7,95 $, collection «Succès Poche» des éditions Succès du Livre —, elle a été achetée pour remplacer cette TOB (traduction oecuménique de la Bible) offerte par ma grand-mère et jetée par étourderie (ma mère m’a aussitôt accusée de profanation, mais ça, c’est une autre histoire). Puis je me suis demandé où on trouvait encore la Bible et comment elle s’en tirait dans cette modernité chatouilleuse sur les croyances.


Naïve, va. D’abord, la surprise d’un commis-caissier cégépien n’est pas le signal que le livre des livres soit en voie d’extinction, même s’il est proportionnellement le moins lu parmi les plus vendus.


«La Bible n’a pas besoin d’être modernisée, c’est le plus vieux livre qui soit toujours d’actualité!», assure Claire Tremblay, conseillère depuis près de 20 ans pour la Société biblique canadienne à Montréal. Elle me glisse que ses traductions sont revisitées chaque quart de siècle, évolution de la langue oblige, et que la Bible coule toujours des jours heureux. Les 140 sociétés bibliques à travers le monde en distribuent environ 500 000 exemplaires francophones chaque année. Traduit à partir des trois langues originelles — l’hébreu, le grec et l’araméen — en plus de 2454 langues, le saint livre aura sous peu son adaptation en langue mohawk.


La Maison de la Bible de cette Société propose tout de même quelques formats plus contemporains à sa clientèle composée autant d’universitaires en théologie et d'(arrière)-grands-mères que de curieux.


Il existe par exemple cette bible à la structure grammaticale simplifiée. Parole de vie couvre la Bible d’un couvert à l’autre en utilisant 3500 mots différents et des illustrations. Ces jours-ci, la conseillère Johanne Boisseau lit Femme à l’écoute, une bible pour dames avec des encadrés sur le célibat, l’éducation des ados et la gestion d’un mari. Les hommes, eux, n’ont toutefois pas la leur. «Les femmes sont plus nombreuses que les hommes dans les milieux religieux. Elles cherchent des réponses alors que les hommes sont plus rationnels», tente Mme Boisseau.


La webosphère contient tout de même des trouvailles pour ces messieurs. Comme cette bible imperméable pour pêcheurs et chasseurs (eBay offre une variante à jaquette rose «parce que les bains moussants et la bible vont si bien ensemble»). Sur le site de vente aux enchères, en plus des versets récités sur 22 audiocassettes et de ce modèle recouvert de jeans pour les étudiants qui graduent, une Bible est aussi offerte aux busy moms, reliée en capsules d’une minute pour adoration rapide entre l’allaitement et un changement de couche.


Dans son hilarant essai L’année où j’ai vécu selon la Bible (2007), le journaliste new-yorkais A. J. Jacobs tente de suivre les Écrits aussi littéralement que possible. L’auteur, juif et laïque, s’est approvisionné en diverses traductions pour entamer sa quête et raconte avoir reçu une bible hip-hop dans laquelle le psaume 23 commence par «Le Seigneur déchire grave» plutôt que «Le Seigneur est mon berger».


Preuve qu’il y a une bible pour tous les types d’individus, en lui parlant de celle-ci, Johanne Boisseau me confirme qu’il existe même une Biker’s Bible offerte par l’Association de motards chrétiens Maranatha. Rock on.


La Bible a aussi amorcé son passage du texte à l’hypertexte sur des applications pour iTéléphones et autres iTablettes. Testée sur mon iBaladeur Touche, la Holy Bible de YouVersion.com propose 41 traductions et une forêt de plans de lecture. Je peux ainsi traverser de la Genèse à l’Apocalypse en 90 ou 365 jours, ou encore recevoir à mon réveil un passage choisi au hasard selon les soucis de mon choix, comme les troubles alimentaires, le sexe, le potinage, l’amitié ou, mon favori, l’anxiété.


À noter: cette iBible est d’un enthousiasme débordant pour partager mes lectures sur Facebook et Twitter: dès que mon pouce flâne trop longtemps sur un passage à l’écran, l’hyperactive application m’enjoint de le partager avec cette infinie communauté virtuelle. Bienvenue dans l’intimité du 2.0, où on ne peut même plus lire en paix.


Un best-seller mondial


Mais revenons à nos moutons. Donc, évidemment que le best-seller mondial est encore vendu, offert, demandé, multiplié. «Dans les chambres d’hôtel, vous pouvez même partir avec la bible, elle est là pour ça», m’informe Claire Tremblay (même si le larcin est un peu contradictoire puisque tout le monde sait que «Tu ne voleras point», Deutéronome 5, 19)…


Les nouveaux établissements hôteliers branchés viennent toutefois rompre la lune de miel entre les Saintes Écritures et la table de chevet. La Bible ne séjourne pas dans les hôtels Opus, Le St-Martin, Alt ou Gault, pas plus qu’au W. Manifestement, les portes ne sont pas toutes ouvertes aux Gédéon, cette association chrétienne qui parcourt le globe pour fournir la Bible aux hôteliers.


Au palais de justice, bien que le Mouvement laïque québécois veuille qu’il en soit autrement, il est toujours possible de jurer sur la Bible, même si les déclarations solennelles ont plutôt la cote. La traduction oecuménique de la Bible (TOB), qui vient de célébrer ses 50 ans, a quant à elle vu sa distribution flétrir avec le remplacement de la catéchèse par les cours d’éthique et de culture religieuse.



Une place dans les chaumières


Mais la Bible a toujours sa place dans les chaumières, tapie dans l’ombre d’un garde-robe ou à vue dans la bibliothèque, comme l’a révélé ce sondage de la maison Folie-Boivin-Zuckerberg. La TOB d’Amélie est le vestige de ses années dans un collège catholique et elle en a personnalisé la couverture du fleurdelisé.


André a délibérément sauté sur la traduction de la Bible de Fayard, plus littéraire celle-là. Ex-étudiante en histoire de l’art, Valérie a acheté une bible afin de mieux saisir les oeuvres étudiées. Pour finalement ne rien comprendre au texte et lâcher le baccalauréat. Dans un élan de vérité, Éric confie avoir une bible, un Missel Quotidien et Vespéral, ainsi que deux chapelets glow in the dark.


«Qu’on soit croyant ou pas, on considère toujours la bible comme un trésor. Elle demeure un livre sacré sur ce qu’il reste de Dieu. C’est pour cette raison que les gens la conservent, même s’ils ne l’ouvrent jamais», confie Johanne Boisseau.


Mon amie Chantal a préféré donner sa TOB car «on ne met pas une bible au recyclage», dit-elle. C’est profaner, j’imagine? demandai-je à Mme Boisseau, qui avoue avoir retourné à la terre une bible qui en arrachait. «Pas du tout. Les Écritures sont sacrées. Mais la Bible demeure un livre.»


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Une Bible mythique. New York étant à Pâques ce que la Bible est à Gutenberg, ceux qui s’évaderont dans la Grosse Pomme pour le week-end pascal pourront passer à la New York Public Library pour observer le plus vieux livre imprimé en série. Il ne reste que 48 exemplaires du plus célèbre livre de l’imprimeur allemand Johannes Gutenberg. En plus de celle-ci, datant de 1455, huit autres Bibles sont hébergées aux États-Unis. http://www.nypl.org/events/exhibition/2009/05/31/gutenberg-bible.



Émilie Folie-Boivin
Le Devoir