Consommer du luxe pour oublier la mort

Un étudiant de l’Université Concordia s’est intéressé au lien qui existe entre la mort et les habitudes de consommation des Canadiens.


L’évocation de la mort influence le comportement des consommateurs. Dans l’étude The Impact of Mortality Salience Effects on Consumer Behavior rendue publique cette semaine, l’étudiant à la maîtrise de l’école de gestion John-Molson de l’Université Concordia Alex Davidson a cons­taté que les personnes ayant une faible estime d’elles-mêmes sont plus enclines à s’offrir des produits de luxe si des idées sur la mort leur sont exposées. En revanche, ceux qui ont une meilleure opinion d’eux-mêmes se contentent de plus de simplicité.


L’âge est aussi un facteur qui influence la consommation. S’ils songent à la mort, les gens plus âgés sont insensibles aux produits de prestige, contrairement aux plus jeunes. «Notre cerveau est programmé au niveau du subconscient pour être en mesu­re de résister aux menaces du monde extérieur, explique Alex Davidson. Malgré tout, nous conjurons nos peurs en nous tournant vers des croyan­ces supranaturelles, des activités communautaires, l’art ou la consommation pour atténuer nos anxiétés.»


Ces constats pourraient avoir un impact sur les stratégies de marketing, avance M. Davidson. Selon lui, les nou­velles qui sont transmi­ses chaque jour par les médias déterminent l’état du subconscient d’une clientèle ciblée. «Par exemple, [avant-hier], nous avons appris qu’il y avait eu un séisme en Nouvelle-Zélande, relate l’étudiant de l’Université Concordia.


Les Néo-Zélandais ou ceux qui en connaissent seront sur la défensive et éprouveront une plus grande fierté pour leur pays. Dans ce genre de situation, les gens ayant une faible estime d’eux-mêmes ont tendance à se lancer dans des dépenses risquées. Alors, les directeurs de marketing devront être prudents s’ils lancent une campagne de promotion sur des produits de prestige.»


L’étude d’Alex Davidson a été réalisée en ligne auprès de 540 Canadiens âgés de18 à 40 ans.



Marie-Ève Shaffer
Journal Métro

Mgr Gérald Cyprien Lacroix nommé archevêque de Québec

QUÉBEC – Mgr Gérald Cyprien Lacroix est le nouvel archevêque de Québec. La nomination du prêtre de 53 ans pour succéder à Mgr Marc Ouellet a été annoncée par le pape Benoît XVI.


Mgr Lacroix, né à Saint-Hilaire de Dorset, petite localité de la région de Beauce-Sartigan, était administrateur diocésain de l’archidiocèse de Québec depuis le départ de Mgr Ouellet pour Rome. Il devient le 25e évêque de Québec et le 15e archevêque de Québec.


Ordonné prêtre en 1988, le successeur de Mgr Ouellet a été missionnaire en Colombie pendant huit ans, de 1990 à 1998.


«C’est avec beaucoup de joie et d’humilité que j’accepte de servir avec tout mon coeur l’Église de Québec en continuant de donner ma vie pour l’annonce de l’Évangile», sont les premiers commentaires de Mgr Lacroix dans un communiqué diffusé par l’Église catholique de Québec pour faire connaître la nomination du nouvel archevêque.



Guy Benjamin
Le Soleil


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Le nouvel archevêque de Québec portera le flambeau de la foi
Mathieu Perreault, La Presse, 22 février 2011


Le nouvel archevêque de Québec, Gérald Cyprien Lacroix, nommé ce matin par le pape, veut «porter le flambeau de la foi avec fierté».


En entrevue avec La Presse, voilà deux semaines, Mgr Lacroix avait expliqué que le passage de Marc Ouellet à Québec lui avait fait réaliser l’importance de montrer à la société contemporaine sa foi et ses convictions. Le prélat de 53 ans, nommé évêque auxiliaire par Mgr Ouellet, remplaçait de manière intérimaire ce dernier depuis sa nomination à la tête de la puissante Congrégation pour les évêques, au Vatican, fin juin. Mgr Lacroix fera une conférence de presse au début de l’après-midi. Lire.

Le crucifix est là pour rester à l’hôtel de ville de Montréal

Même si Saguenay a reçu l’ordre de retirer son crucifix, Montréal gardera celui qui orne l’enceinte de son conseil municipal. Tant au sein du parti du maire Gérald Tremblay que du côté de l’opposition, on refuse de se lancer dans un débat «qui crée la dissension».

 

Marvin Rotrand, leader du parti Union Montréal, majoritaire au conseil, admet cependant ressentir un malaise devant ce «gigantesque» crucifix. «Mais je ne soulèverai pas cette question, a-t-il annoncé à La Presse. Je sais que les élus ne veulent pas de ce débat, ils le trouvent secondaire, divisif.»

 

Une fois n’est pas coutume: cette opinion est partagée par la chef de l’opposition, Louise Harel, qui estime que la présence de ce symbole religieux est «un accommodement raisonnable» tout à fait justifié.

 

La semaine dernière, la Ville de Saguenay s’est vu ordonner par le Tribunal des droits de la personne de cesser la récitation d’une prière catholique avant les assemblées, et de retirer le crucifix et la statue du Sacré-Coeur dans la salle. Le maire Jean Tremblay a annoncé qu’il portait cette décision en appel et a sollicité l’appui financier des citoyens.

 

À Montréal, la prière a été abolie dès 1987, à la suite de la plainte d’un citoyen auprès de la Commission des droits de la personne. La décision ne concernait pas le crucifix, qui aurait été installé sur le mur sud de l’enceinte du conseil en 1954, sous le premier mandat de Jean Drapeau.

 

En 2002, le conseiller Marvin Rotrand, alors responsable de la démocratie au sein du parti du maire nouvellement élu Gérald Tremblay, avait lancé un mouvement pour retirer ce crucifix. Il a expliqué hier avoir été sollicité par des citoyens «mal à l’aise» avec la présence de cet objet. «Juste le fait d’avoir soulevé cette question a fait de moi l’ennemi numéro un des vieilles madames habitant au Saguenay! se rappelle-t-il en riant. J’ai été débordé d’appels de gens qui essayaient de me vendre la salade que le crucifix n’est pas un symbole religieux, qu’il est complètement culturel.»

 

Le débat a suscité de la dissension au sein même du parti du maire. Même s’ils étaient eux aussi opposés à la présence du crucifix, des conseillers ont demandé à M. Rotrand de laisser tomber cette croisade, «parce qu’il ne fallait pas diviser la population avec ça». En mai 2002, le président du conseil, Marcel Parent, a décidé de reporter sine die le débat sur la question.

 

 

Un effet d’entraînement

 

La chef de l’opposition, Louise Harel, estime quant à elle que le crucifix n’a rien d’ostentatoire, la plupart des Montréalais ignorant même son existence. «À la différence du Saguenay, il n’y a pas de statue du Sacré-Coeur, ni de statue de la Vierge Marie dans l’enceinte du conseil. À dire vrai, c’est votre appel qui m’a fait réaliser qu’il y avait un crucifix. Ma foi, je trouve que c’est un accommodement raisonnable qu’il demeure là où il est.»

 

Au Mouvement laïque québécois, une des parties qui poursuivait la Ville de Saguenay, on précise que le récent jugement n’a pas encore pris effet, une autorisation d’interjeter appel étant toujours possible. «On n’a pas l’intention, nous, d’intervenir à l’hôtel de ville de Montréal, dit Marie-Michèle Poisson, présidente. Mais ça ne me surprendrait pas que des citoyens prennent l’initiative, que ce soient des plaintes spontanées comme ça se passe dans la plupart des cas.»

 

Plutôt que de multiplier les recours devant les tribunaux, Mme Poisson souhaite que les municipalités «prennent bonne note» de la plus récente décision et retirent d’elles-mêmes les symboles religieux.

 

 

Karim Benessaieh
La Presse

 

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Les symboles religieux sont-ils contraignants?

Patrice Garant, Professeur de droit public, Le Quotidien, 17 février 2011

 

Depuis le jugement du Tribunal des droits de la personne dans l’affaire de la prière et du crucifix à Ville de Saguenay, certains parlent (maintenant) de méli-mélo ou d’incohérence. Cette situation n’est pas sans rapport avec la croisade que poursuit sur toutes les tribunes le Mouvement laïque québécois pour la laïcisation intégrale de la société.

 

Au moment où le tribunal interdit la prière et le crucifix à l’hôtel de ville, afin de respecter la liberté de conscience des non-croyants, l’Assemblée nationale interdit le port du kirpan à restreignant ainsi la liberté religieuse des sikhs fondamentalistes… En 2008, cette même Assemblée décidait à l’unanimité de maintenir le crucifix en évidence au Salon bleu, position aujourd’hui inchangée.

 

Lire.

Prière au conseil municipal – Saguenay en appel

Le maire de Saguenay, Jean Tremblay, a décidé de porter en appel la décision du Tribunal des droits de la personne qui lui ordonnait de cesser la récitation de la prière lors des séances du conseil municipal.


Les frais liés à ces procédures ne seront plus assumés par la Ville de Saguenay mais plutôt par des dons que le maire a sollicités auprès de la population québécoise et des sympathisants à sa cause.


«Je suis certain que la majorité de mes citoyens sont favorables à ce qu’on se tienne debout, à ce que les Canadiens français — ça ne se ferait pas dans une province anglaise — aient des valeurs, qu’on les reconnaisse et qu’on les respecte», a expliqué Jean Tremblay lors d’une conférence de presse ce matin à Saguenay.


Le maire Tremblay ne digère pas le jugement du Tribunal qui, vendredi dernier, a ordonné que la récitation de la prière soit abolie et que les objets religieux exposés dans les salles où se tiennent les assemblées du conseil municipal soient retirés. Cette décision faisait suite à une plainte déposée conjointement pas un citoyen, Alain Simoneau, et par le Mouvement laïque québécois qui accusaient la Ville et son maire de porter atteinte, de façon discriminatoire, à la liberté de conscience et de religion de M. Simoneau.


La juge Michèle Pauzé a également condamné la Ville et le maire à verser 30 000 $ à M. Simoneau pour dommages moraux et punitifs.



Des répercussions


«On ne peut pas laisser aller ces choses-là car ç’a des répercussions partout au Québec. Imaginez-vous si on cédait. Ces gens-là vont faire la loi partout: “enlève-moi le crucifix, enlève-moi ci, change-moi tel nom”», a fait valoir le maire.


Les avocats de la Ville estiment qu’une victoire en appel est possible, a précisé le maire Tremblay. Jusqu’à maintenant, le dossier de la prière a coûté près de 60 000 $ aux contribuables de Saguenay, mais désormais, les procédures devant la Cour d’appel seront financées par une collecte de fonds que le maire a lancée ce matin. S’il y a surplus, ceux-ci seront versés aux soupes populaires de la région, a-t-il assuré.



Accomodements raisonnables


Le maire Tremblay a profité de la conférence de presse pour formuler quelques remarques sur les accomodements raisonnables et l’importance qu’ont les valeurs québécoises et les traditions à ses yeux. «Il faut apprendre la tolérance, mais surtout, avant de tolérer les autres, il faut exiger que les autres nous tolèrent. Là, on est rendus que c’est juste d’un bord: Il faut tolérer les autres, mais on ne demande pas aux autres de nous tolérer», a-t-il dit.


«Je considère que nos gouvernements ont été — et je ne parle pas particulièrement de celui qui est là présentement — particulièrement mous comme je trouve que les Québécois, on s’en vient particulièrement mous devant nos convictions, devant ce qui fait notre identité et devant ce qui nous unit: la langue, nos croyances et notre religion. On est mous et c’est comme ça qu’un peuple s’effrite avec le temps et perd de la force», croit le maire Tremblay.



Jeanne Corriveau
Le Devoir


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Le maire de Saguenay reçoit l’appui de l’archidiocèse de Québec
Ian Bussières, Le Soleil, 18 février 2011


(Québec) L’archidiocèse de Québec a qualifié de stimulante la démarche du maire de Saguenay, Jean Tremblay, qui porte en appel le jugement du Tribunal des droits de la personne interdisant la récitation de la prière avant les séances du conseil municipal. Lire.


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Une nation et son crucifix
Louise Mailloux – Professeure de philosophie, Le Devoir, 19 février 2011


Avec la décision du maire de Saguenay, Jean Tremblay, d’en appeler du jugement du Tribunal des droits de la personne lui ordonnant de mettre fin à la récitation de la prière lors des assemblées publiques du conseil municipal ainsi que de devoir retirer tout symbole religieux de la salle du conseil, un bras de fer vient de s’engager entre lui et le Mouvement laïque québécois (MLQ).


Mais plus importante encore est sa décision de lancer une campagne de souscription à l’échelle du Québec pour financer cet appel, espérant ainsi y impliquer l’ensemble des Québécois et relancer le débat des accommodements raisonnables non pas sur le terrain de la laïcité, mais plutôt sur celui de l’identité, un thème que le MLQ a toujours craint comme la peste. Si depuis ce jugement, les canons du MLQ étaient pointés en direction du Parlement, le château fort du crucifix, il leur faudra maintenant attendre avant d’allumer la mèche parce que, pour l’instant, c’est tout le Québec qui risque de s’enflammer. Pour devinez quoi? Le crucifix du Parlement! Lire.

2011, l’année de la laïcité ouverte?

Le droit fondamental de manifester sa religion en public ou en privé, selon le droit international, suppose que l’espace public n’est pas neutre.


Le débat sur la laïcité est loin d’être terminé aussi bien en Europe qu’au Québec. L’année 2010 a été marquée chez nous par le dépôt du projet de loi 94 (Loi établissant les balises encadrant les demandes d’accommodement dans l’administration gouvernementale et dans certains établissements), ayant fait suite au rapport Bouchard-Taylor.


En février, un groupe d’intellectuels a publié le texte intitulé Pour un Québec pluraliste qui se situait dans l’esprit de la laïcité ouverte et tolérante. En mars, les Intellectuels pour la laïcité ont fait paraître un manifeste intitulé Pour un Québec laïque et pluraliste, qui prône une laïcisation intégrale de la société. La question de la prière au conseil municipal a encore fait des vagues en 2010. À la suite d’une missive envoyée aux municipalités par la Commission des droits de la personne et incitant à remplacer la prière par un temps de silence, quelques municipalités ont décidé de lâcher prise: Trois-Rivières, La Tuque, Rimouski, entre autres. La petite localité de Lac-Édouard aurait remplacé la prière par un extrait du poète Goethe.


Enfin, le 17 décembre, le ministère de la Famille a émis une directive visant à interdire les activités ayant pour objectif l’apprentissage d’une croyance, d’un dogme ou de la pratique d’une religion spécifique dans un centre de la petite enfance ou une garderie subventionnée, bref, selon La Presse canadienne, à sortir la religion des garderies (on en parlait ici).



Décisions des tribunaux


Du côté de Saguenay, le maire se fait toujours un ardent défenseur de la prière récitée avant les assemblées du conseil. La municipalité défend cette pratique devant le Tribunal des droits de la personne. Le procès de la prière et de la présence de deux symboles religieux dans la salle du conseil a débuté le 31 mars 2009.


Plusieurs journées d’audience ont eu lieu en mars et avril 2010. L’affaire est en délibéré, mais les procureurs de la Ville ont annoncé qu’ils feraient appel. Entre-temps, le maire et les conseillers continuent de réciter une prière de 20 secondes. De plus, la statuette du Sacré-Coeur trône dans la salle du conseil, de même qu’un crucifix sculpté par Victor Dallaire à l’hôtel de ville.


Il est vraisemblable que le tribunal québécois confirmera la décision-fleuve qu’il a rendue en 2006 à propos de Laval. Certes, la question de la religion dans l’espace public est préoccupante. Pourtant, l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme précise que «toute personne a […] la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le culte et l’accomplissement des rites». L’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques est identique et ajoute: «La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.»



Ordre public troublé ?


Qu’il s’agisse des crèches de Noël sur une place publique en Picardie, de la prière au conseil municipal au Québec ou de l’occupation de rues par les musulmans pour la prière du vendredi, comme cela se fait actuellement dans le XVIIIe à Paris, l’interdiction constitue-t-elle vraiment une mesure nécessaire? Dans le cas de l’occupation des rues pour la prière, l’interdiction peut se justifier pour des raisons de sécurité et de libre circulation inhérentes à la vie urbaine; une telle situation est actuellement tolérée en France, faute de mosquées disponibles.


Dans le cas de la prière au conseil municipal, s’agit-il d’une manifestation qui trouble l’ordre public ou menace la sécurité? Dans les quelque 400 municipalités du Québec où cette pratique existait depuis des générations, il ne semble pas que c’était le cas. Qu’est-il arrivé de grave dans les garderies?


Y aurait-il violation des droits d’autrui, en l’occurrence de la liberté de conscience des non-croyants? Le Tribunal des droits de la personne mentionne que toute personne «est en droit de ne pas se voir contrainte d’agir contrairement à ses croyances et à sa conscience, ni de subir une pratique religieuse à laquelle elle n’adhère pas». Ce droit s’opposerait ainsi à celui d’autres personnes de manifester leur foi par la prière «tant en public qu’en privé». Ces personnes perdraient leur droit parce que, selon le tribunal, «dans le cadre de l’exercice de fonctions publiques, l’État et les pouvoirs publics ont une obligation de neutralité, c’est-à-dire une obligation de ne pas privilégier ou favoriser une religion par rapport à une autre, ni de favoriser les convictions religieuses par rapport aux convictions athées ou agnostiques».



Fausses prémisses


En récitant une prière, le maire et ses concitoyens se trouvent, selon le tribunal, à imposer une contrainte à ceux qui ne veulent pas prier. Or jamais ces maires n’ont imposé quoi que ce soit! La requérante devant le tribunal avoue se sentir «mal à l’aise» pendant les 20 secondes que dure la prière. Le tribunal ne s’est pas demandé si cette personne se sent mal à l’aise lorsqu’elle passe devant une église ou une synagogue, lorsqu’elle regarde la croix du mont Royal ou lorsqu’elle apprend que ses impôts servent à financer la messe du dimanche à Radio-Canada ou les écoles privées confessionnelles…


La conception de la laïcité sur laquelle s’appuie le tribunal, comme d’ailleurs la Commission des droits de la personne, repose sur deux fausses prémisses, soit celle de la neutralité de l’espace public et celle de la dissociation de la religion et de la culture.


Le droit fondamental de manifester sa religion «en public ou en privé», selon le droit international, suppose que l’espace public n’est pas neutre. Il doit le devenir, certes, si l’ordre public ou la sécurité sont menacés. Mais les personnes qui, hors ces limites, ont le droit de manifester leur foi «en public» perdraient-elles ce droit uniquement parce que quelques personnes ne sont pas d’accord avec elles ou parce qu’elles se sentent mal à l’aise?



Dimension sociale


Cette conception de la laïcité néglige le fait qu’il y a une dimension sociale de la religion qui est vécue à Trois-Rivières ou à Saguenay, au conseil municipal comme dans les garderies, et fait partie de la culture des populations, de leurs traditions. Or la liberté religieuse de ces collectivités doit-elle être remise en cause par la revendication d’une minorité qui veut donner primauté à sa liberté de conscience et prétend évoluer dans une société imaginée comme axiologiquement neutre?


Aucune société n’est, dans les faits, un espace axiologiquement neutre. Le Tribunal des droits de la personne fait fi de cette dimension de la religion. Ne devrait-on pas pouvoir trouver une conception réaliste de la liberté religieuse qui soit enracinée dans la réalité culturelle? Il faut dépasser la conception purement individuelle de la liberté religieuse et repenser la dimension sociale de la religion et l’aspect positif de cette dimension. La jurisprudence canadienne s’est braquée sur une conception purement individuelle de la liberté de conscience qui bloque l’avenue de solutions de compromis.


La dimension sociale et culturelle n’est pas nécessairement oppressante en soi. Elle l’a peut-être été dans un passé lointain au Québec, mais il y a eu la Révolution tranquille depuis. Une conception dialogique, qui respecte le pluralisme, est possible dans un espace public non pas théorique et neutralisé, mais concret, complexe et respectueux de ses propres valeurs et de sa propre identité. C’est ce qu’enseigne la laïcité ouverte, sur laquelle reposent le rapport Bouchard-Taylor et le projet de loi 94.



Patrice Garant
Le Devoir


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Les nouveautés du côté de la philosophie et des sciences humaines
Georges Leroux, Le Devoir, 22 janvier 2011


Le livre de cette rentrée, marquée par le débat sur la laïcité et la place des religions dans les démocraties pluriculturelles, sera indubitablement la traduction française du grand ouvrage de Charles Taylor sur la transition moderne et la modification des cadres de la pensée séculière (Un âge séculier, Boréal/Seuil). Ce livre est non seulement une histoire de la modernité, mais aussi une réflexion sur les conditions contemporaines de la laïcité … Lire.