March 12, 2016
*Bien personnellement j’y ai déjà lu – dans les commentaires – que le problème avec les francophones c’était le même qu’avec les acadiens et les autochtones … ‘They just don’t disappear’. Édifiant.
NOUVEAU-BRUNSWICK – Une centaine des francophones demandent à la CBC de supprimer de son site les commentaires haineux.
L’ancien juge de la Cour suprême Michel Bastarache et une pléiade d’autres personnalités francophones du Nouveau-Brunswick demandent au réseau CBC de ne plus contribuer à ce qu’ils estiment être du « francophones bashing ». Ils déplorent que le site Internet de la société d’État publie fréquemment des commentaires de citoyens haineux à l’endroit des Acadiens qui ne sont retirés que lorsqu’une plainte est déposée.
« À la suite de reportages portant directement ou indirectement sur des dossiers linguistiques, nous pouvons lire sur votre site des commentaires qui n’ont rien à voir avec l’objet du reportage et qui ne cherchent qu’à attaquer et à injurier la communauté francophone », écrivent les 120 signataires.
La missive est signée par l’avocat Michel Doucet, spécialisé dans les droits linguistiques, ainsi que par des gens de divers horizons, dont M. Bastarache, trois sénateurs, l’ancien député fédéral néodémocrate Yvon Godin, le recteur de l’Université de Moncton Raymond Théberge ou encore une vingtaine de maires néo-brunswickois. « Nous croyons que ces commentaires n’ont pas leur raison d’être sur le site Internet de la société d’État qu’est la CBC. » Leur lettre regorge d’exemples récents de tels commentaires, dont plusieurs font référence à la déportation, ce douloureux chapitre de l’histoire acadienne.
« Nous aurions dû renvoyer tous les francophones en Louisiane. »
« Imaginez si tous les Acadiens avaient été déportés du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse durant l’expulsion. Imaginez à quel point les choses iraient mieux. Nous ne serions pas ruinés et nous n’aurions pas à écouter toutes ces jérémiades. »
« On réglerait beaucoup de problèmes dans cette province si on fermait l’Université de Moncton. »
« Montrez-moi un seul francophone de France qui peut comprendre le français parlé au Nouveau-Brunswick et je mange mes bas. »
Les signataires s’étonnent que la CBC n’ait pas cru bon de censurer ces messages, rédigés anonymement. « Nous vous invitons à reprendre ces commentaires et à substituer un autre groupe ethnique ou religieux au terme “francophones”. Accepteriez-vous de les publier ? »
Un retrait jugé insuffisant
Brodie Fenlon, le directeur des médias numériques pour le réseau CBC, a assuré au groupe par écrit vendredi que les commentaires identifiés seront supprimés. « Nous regrettons que ces commentaires se soient retrouvés sur notre site. Il s’agit d’une situation malencontreuse, mais inévitable lorsque l’on doit traiter un tel volume de commentaires. […] Dorénavant, nous nous assurerons que nos lignes directrices sont appliquées avec encore plus de rigueur et de jugement. » La politique de commentaires de CBC mentionne que les discours haineux, les attaques personnelles, les insultes ou encore les déclarations diffamatoires sont interdits.
En entrevue avec Le Devoir, l’instigateur de la lettre, Michel Doucet, n’est pas rassuré par cette réponse, tant s’en faut. Il exige que la CBC fasse preuve de vigilance en amont plutôt que de simplement retirer les commentaires litigieux après coup.
« Ils retirent les commentaires juste quand on les signale. Mais on ne va pas passer notre journée à surveiller le site de CBC ! C’est à CBC elle-même de veiller à la qualité du contenu », tonne-t-il. Selon l’avocat, il est inacceptable qu’une société d’État « permet[te] qu’on utilise son site de commentaires pour fomenter la division, l’incompréhension et l’intolérance vis-à-vis d’une communauté minoritaire ».
M. Doucet soutient que le phénomène existe « depuis que CBC a ouvert son site aux commentaires » et procède d’une tendance lourde. Chaque fois qu’il est question de sujets liés aux francophones au Nouveau-Brunswick, ces commentaires fusent. « L’autre jour, la ville de Dieppe a annoncé qu’elle aurait un anneau de glace et il y a eu des commentaires ! Un des commentaires qui revient souvent, c’est que les francophones ont tous les bénéfices alors que ce sont les anglophones qui payent tous les impôts. […] On mettrait une photo d’un beau petit chat portant un nom francophone que ces commentaires ressurgiraient », raille-t-il. Lui-même, un militant très en vue des droits linguistiques des francophones, est présenté dans certains commentaires comme un « individu radicalisé ».
Le sujet fait l’objet de conversations dans la communauté francophone néo-brunswickoise depuis très longtemps, raconte-t-il. Aussi, quand il a décidé de prendre la plume dimanche dernier, il a récolté ses 120 signatures prestigieuses en moins de 72 heures. C’est d’ailleurs un sénateur conservateur, Percy Mockler, outré et enflammé, qui a mis Le Devoir au parfum de la situation.
Les signataires demandent à ce que CBC ne permette plus les commentaires provenant de personnes anonymes, comme le font déjà plusieurs sites de médias. M. Fenlon rétorque dans sa lettre que cet anonymat est utile, quoiqu’il fasse l’objet d’un « examen ». « En autorisant l’utilisation de pseudonymes, on permet cependant à toutes les voix de participer au débat, y compris les victimes de crimes et les dénonciateurs d’abus, deux groupes qui, selon nous, ont de bonnes raisons de se cacher derrière l’anonymat. »
Hélène Buzzetti
Le Devoir
***
Québec Bashing (2015) de GENEVIÈVE BERNARD BARBEAU (December 18, 2015)
Identité culturelle, sept septembre MMXII, St-Henri, Montréal p.Q. (September 7, 2012)