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QUÉBEC — Le crucifix de l’Assemblée nationale prend sa retraite des parlementaires: il ne trônera plus comme il le fait depuis des décennies derrière le trône du président de l’Assemblée nationale.

 

Comme prévu, on l’a décroché mardi de sa position stratégique pour observer les élus du Salon bleu, au moment où les députés sont tous partis en vacances.

 

Ce Christ en croix, symbole controversé de la connivence passée entre l’Église catholique et l’État québécois, incommodait la classe politique depuis des années, et ce, de plus en plus.

 

La récente vague de fond en faveur de la laïcité de l’État aura eu raison de ses partisans les plus irréductibles, qui vantaient sa valeur historique et patrimoniale pour justifier la décision de le laisser veiller sur les élus.

 

Le déplacement vers un lieu plus consensuel a donc été effectué mardi matin, point d’orgue d’une interminable saga.

 

Dans la plus grande discrétion, en marge du brouhaha habituel qui anime le Salon bleu, un employé de l’Assemblée nationale spécialisé dans le maniement des objets patrimoniaux, dont l’identité n’a pas été révélée, a enfilé ses gants blancs, s’est approché du trône du président, pour grimper dans un escabeau et s’emparer délicatement de l’objet religieux autrefois vénéré et aujourd’hui banni des lieux.

 

Ceux qui s’ennuieront de lui pourront toujours aller se recueillir devant l’alcôve où il sera bientôt placé, plus modestement, sur le parquet, entre le Salon bleu et le Salon rouge, d’ici la fin de l’été.

 

On y trouvera en fait les deux crucifix ayant orné le Salon bleu au fil des ans: le premier, dès 1936, à l’initiative du premier ministre Maurice Duplessis, et le second, qui était en place depuis 1982. Une notice explicative fournira l’historique des deux objets religieux litigieux.

 

Après des années de débats sur le sujet, le ministre Simon Jolin-Barrette a déposé une motion à l’Assemblée nationale visant à retirer le crucifix. Elle a été adoptée à l’unanimité le 28 mars. Cette motion stipulait que le Bureau de l’Assemblée nationale (BAN) recevait le mandat de déplacer le crucifix du Salon bleu pour le mettre en valeur ailleurs, dans l’enceinte du Parlement.

 

Dans le passé, le premier ministre François Legault avait mentionné plusieurs fois qu’à son avis, le crucifix du Salon bleu était un objet patrimonial qui devait rester en place. Il a finalement fait volte-face ces derniers mois, présentant sa nouvelle position comme un compromis offert aux détracteurs de la loi 21 sur la laïcité de l’État, qui interdit à plusieurs catégories d’employés de l’État, dont les enseignants, de porter des signes religieux.




Jocelyne Richer
La Presse Canadienne

 

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