Le Vatican publiera un guide contre la pédophilie

Le Vatican s’apprête à publier sur son site internet les «lignes directrices» de la lutte contre la pédophilie au sein de l’Église catholique, a indiqué vendredi l’agence italienne Ansa citant des sources vaticanes.


La publication de ces principes sur le web (www.vatican.va) est prévue «dans un très proche avenir»; ceux-ci pourraient être disponibles sur le site «probablement lundi», a ajouté l’agence.


Cette information n’avait pu être confirmée vendredi soir auprès du Vatican.


La gestion des cas de prêtres pédophiles au sein de l’Église catholique se base sur le droit canon en général et un «motu proprio» (décret) de 2001.


En 2001, Jean Paul II a publié ce décret sur «les crimes graves» à partir d’un document de la Congrégation pour la doctrine de la foi, alors présidée par le cardinal Joseph Ratzinger.


Le Vatican enjoignait notamment les évêques de l’informer des cas de prêtres pédophiles, qui devaient être éloignés immédiatement de tout contact avec les jeunes.


L’Église est secouée ces dernières semaines par une série de scandales pédophiles, accusée d’avoir gardé le silence sur des abus commis par des prêtres ou des religieux. Le pape Benoît XVI a été lui-même mis en cause pour avoir refusé de sanctionner un prêtre pédophile américain, alors qu’il était préfet de la Congrégation pour la doctrine de la Foi.



Agence France-Presse (Rome)
Cyberpresse




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Église catholique et abus sexuels, dossier sur Cyberpresse ici.

Église Très-Saint-Nom-de-Jésus – L’encan Montréal-Toronto

Le grand encan du Québec est ouvert, mesdames et messieurs. Premier lot. Grandes orgues de l’église Très-Saint-Nom-de-Jésus, 90 jeux, 6500 tuyaux. Valeur artistique exceptionnelle. Récemment restaurées au coût de 650 000 $. Valeur à neuf: 2,5 millions. Considérées parmi les plus beaux instruments en Amérique. Sixièmes plus grandes orgues au monde lors de leur inauguration en 1915.


— I’ll take it!


— Une fois. Deux fois. Trois fois. Vendues à la cathédrale de Toronto!


— Deuxième lot: bâtiment de l’église Très-Saint-Nom-de-Jésus. Orgue non compris. Architectes: Charles Reeves et Albert Mesnard. Décorateur: T. X. Renaud. Son oeuvre la plus importante et la mieux conservée. Décorateurs associés: les célèbres Alexandre Carli (sculpteur) et Georges Delfosse (peintre).


Allons messieurs, dames, il s’agit d’une église exceptionnelle jadis considérée comme la cathédrale de l’Est. Un petit effort. Personne ne dit mieux qu’un dollar?


Une fois, deux fois, trois fois. Vendue à l’entreprise de démolition Je-me-souviens inc.


Farfelu?


Un scénario farfelu que cet encan inspiré d’une chanson de Félix Leclerc? Hélas non! Tout récemment, le quartier Hochelaga-Maisonneuve a appris qu’il était envisagé très sérieusement par le diocèse de Montréal. La cathédrale de Toronto a récemment fait une offre d’achat pour les grandes orgues de Très-Saint-Nom-de-Jésus. La décision doit être prise en juillet. Dans quatre mois.


Pour compléter le tableau, des réparations urgentes sont nécessaires pour consolider un mur et la façade en pierre grise. La facture: un million. Comme il en coûte 100 000 $ par année pour maintenir dans son état actuel l’église et ses oeuvres d’art, l’archevêché se dit incapable d’assumer la facture. Après les sièges sociaux, le patrimoine religieux?


À part les ha! et les ho!, les Québécois ont regardé partir les sièges sociaux de Montréal vers Toronto en se contentant de le déplorer. Il ne s’agissait que de déplacements de personnes, croyait-on. On en voit aujourd’hui les effets.



Trésor en fuite


Maintenant, voilà qu’on s’attaque à notre patrimoine le plus précieux. Il faut qu’il soit spectaculaire, cet orgue, pour que Toronto décide de l’acheter pour sa cathédrale. Surtout quand on sait qu’il en coûtera plusieurs centaines de milliers de dollars pour le déménager dans la métropole canadienne.


Et nous, pendant ce temps, nous allons regarder partir ce trésor patrimonial. Avec des ho! et des ha!, n’en doutez pas. Ça soulage. On a l’impression d’avoir fait quelque chose en éprouvant ce sentiment de colère. En réalité, nous n’aurons rien fait d’autre que des ho! et des ha!



Double saccage


En déménageant cet orgue, on aura fait un double saccage. D’abord, dilapider un patrimoine irremplaçable restauré à grands efforts et à grand prix. Mais aussi, on aura détruit la moitié de la valeur de cette église, car il n’y a pas que l’orgue qui soit exceptionnel à Très-Saint-Nom-de-Jésus. Il y a aussi la décoration intérieure.


On doit à Renaud la décoration de plus de 200 églises au Québec, en Ontario et aux États-Unis. L’église du Très-Saint-Nom-de-Jésus est sa réalisation la plus imposante. Elle est demeurée pratiquement intacte jusqu’ici, contrairement à une grande partie de son oeuvre. À l’époque de la folie des grandeurs de la ville de Maisonneuve, le mandat qui a été donné à Renaud était clair: «Cette décoration sera faite en grande partie sur fond d’or… afin de faire un des plus beaux travaux de la province dans ce genre.»


Le contrat était si ambitieux qu’il s’est adjoint pour l’occasion des collaborateurs célèbres. Les quatre anges qui surplombent le maître-autel sont du sculpteur Alexandre Carli. C’est le même Carli qui a réalisé la fameuse frise de 320 personnages (grandeur nature) de l’église de la Nativité de la Sainte-Vierge d’Hochelaga. Renaud a par ailleurs confié à Georges Delfosse la réalisation de l’imposant tableau de la Pentecôte au-dessus du choeur.



Une merveille


Tout est démesuré dans cette église de la banlieue montréalaise du début du XXe siècle. On pense à ses cloches — le bourdon pèse 2265 kg — ou à ses vitraux importés de France pendant la Grande Guerre alors que le plomb était réservé à la fabrication de munitions et son exportation, rigoureusement interdite.


Ce sont nos ancêtres qui ont sué sang et eau pour construire et décorer cette merveille. Ils étaient 5000 paroissiens. Ce sont aussi les citoyens qui se sont cotisés en 1996 pour relancer la restauration des grandes orgues. C’est la même communauté locale qui a créé le festival international Orgue et couleurs pour faire revivre les grandes orgues. Et voilà qu’on s’apprête à vendre à l’encan cet héritage.



Faire quelque chose


Nul besoin d’être catholique pour estimer que ce trésor patrimonial doive être protégé à tout prix. Il n’est pas nécessaire de croire à Amon-Rê pour vouloir préserver les pyramides d’Égypte.


Nous espérons simplement que nous serons lus. D’abord par nos gouvernements. Par notre ville. Mais aussi, par ceux qui ont assez d’argent pour sauver ce trésor. Quels beaux centre et musée de l’orgue cela ferait! On pourrait y enseigner aux jeunes cet instrument en pleine renaissance. Un ordinateur avant son temps.


On pourrait continuer à produire des spectacles comme l’a fait Orgue et couleurs depuis 10 ans. On pourrait même y abriter de petits orgues récupérés au hasard des abandons d’églises. On pourrait y faire bien d’autres choses. Ou bien, on pourrait laisser partir ces grandes orgues vers Toronto.



Robert Cadotte, Réjean Charbonneau, MariFrance Charette, Michel Gauthier, Paul Labonne, Colette LeBel et Josette Sosa – Membres de l’Atelier d’histoire d’Hochelaga-Maisonneuve
Le Devoir

Est-ce la fin de l’Église catholique au Québec?

Quelle métaphore que cette façade exsangue du Patro Saint-Vincent de Paul ornant la couverture du livre Modernité et religion au Québec. Où en sommes-nous? (dirigé par Robert Mager et Serge Cantin), qui vient de paraître aux Presses de l’Université Laval. Après plus de 20 ans de batailles entre les ministres de la Culture, l’Hôtel de Ville de Québec et les promoteurs, la ruine est finalement tombée sous le pic des démolisseurs, le 20 février.


«C’est comme l’Église catholique», raillait un quidam, dans un reportage, avant la démolition. Il ne restait que la façade, laquelle, sous certains angles, semblait avoir fière allure. La crise autour des prêtres pédophiles, qui secoue l’Église, l’institution, actuellement, agira-t-elle comme cette boule de démolition montée sur une grue, qui terrassa la façade? Plusieurs le croient. Certains le souhaitent. D’autres en doutent.


Car des crises, l’Église en a connu d’autres, il faut dire, en 2000 ans. Et des graves, répondent les experts: Révolution française, conquête anglaise de 1763, Révolution tranquille… Même que la «disparition du catholicisme» est devenue un grand classique de la sociologie des religions. Un thème qui semble réapparaître, chaque décennie, un peu comme un «mal de dents», lance à la blague E. Martin Meunier, sociologue à l’Université d’Ottawa, à l’autre bout du fil.


Malgré tout, cette crise-là apparaît plus grave que jamais. Elle est «capitale» puisqu’elle bouleverse jusqu’à la tête de l’Église elle-même. «C’est très dur», admet Jean Fortier, vicaire général du diocèse de Montréal. «Disons que ce n’est pas de la bonne publicité. Je pense qu’il y a une attente plus grande envers les agissements de l’Église, des prêtres, parce qu’on prêche des valeurs d’amour. La contradiction est plus grande et ça choque les gens. Et je pense qu’ils ont raison, l’Église a une plus grande responsabilité.»



«Catholiques malgré nous»


De nombreuses statistiques montrent depuis longtemps le déclin de l’Église catholique. Entre 1957 et 2000, le taux de fidèles allant à la messe le dimanche est tombé de 88 % à 20 %. Chez les jeunes, le phénomène est plus accentué encore: parmi les 18 à 34 ans, en 2000, il y avait 5 % de pratiquants seulement. Pratiquement dans tous les diocèses, l’âge moyen des prêtres dépasse les 70 ans. Dans l’archidiocèse de Québec, de 1997 à 2010, le nombre de curés et d’équipes pastorales est passé de 166 à 73.


De 1970 à 2001, l’Église québécoise trouvait dans les statistiques du recensement un certain réconfort. La proportion de Québécois se disant catholiques demeurait stable. C’est ce qu’explore E.-Martin Meunier, Jean-François Laniel et Jean-Christophe Demers dans une grande étude de quelque 50 pages publiée dans Modernité et religion au Québec. Même chose pour les baptêmes, dont les taux ne s’effondrèrent pas. Dans ces trois décennies, il y a une sorte «de permanence d’un catholicisme culturel», dit Martin Meunier. On se sent catholique parfois par inertie, souvent par lien avec les générations passées. C’est un marqueur de l’identité.


C’est le sociologue Raymond Lemieux, rappelle Meunier, qui développa la théorie du «catholicisme culturel» québécois, en 1990. À l’époque, il n’était pas surpris de constater une certaine permanence des «rites intégrateurs». Nous avons été, comme l’a déjà écrit le collègue Guillaume Bourgault-Côté, «catholiques malgré nous». Ou, pour le dire comme la revue l’Inconvénient (dans son numéro de novembre 2007), «chrétiens malgré nous».


Parfois, ce n’est pas «malgré». Il y a quelques rares cas recensés de catholiques «culturels» intellectuels. Le cinéaste Bernard Émond, qui se définit comme un «athée de culture catholique». L’écrivain et collaborateur du Devoir Jean Larose s’est déjà qualifié de «mécréant attaché au catholicisme» et «qui en pratique les textes». Bref, «un non-croyant pratiquant».



Nouvelle rupture


Il y a toutefois du nouveau sous le soleil. Et ce n’est plus rassurant pour ceux qui tiennent à l’Église comme marqueur de l’identité. Depuis 2001, les statistiques indiquent une nouvelle «rupture». «Les jeunes ne suivent pas. L’entrée en scène d’une nouvelle génération, la « Y » — celle qui est née entre 1976 et 1990 —, semble changer la donne», indique Martin Meunier. De 2001 à 2006, le prorata total de baptêmes par naissance au Québec chute: on passe de 73,5 % à 59,9 %. Même chose pour le fameux «taux d’appartenance» à l’Église, qui s’était auparavant quasiment maintenu pour l’ensemble de cette population: il passe de 78,2 % à 69,1 %.


Le fameux «catholicisme culturel» — où on se dit catholique non pratiquant, ou utilisant les baptêmes et les funérailles — commence à s’étioler. Il serait en voie «d’exculturation» au Québec.


Il y a là d’abord un effet de génération, mais le caractère non catholique des «Y» n’est évidemment pas la seule cause. D’autres événements sont venus précipiter le phénomène de décrochage. Dans l’ère post-11-Septembre et du débat sur les accommodements raisonnables, le regard sur les religions a muté, note Martin Meunier. «Il y a quelque chose qui s’est brisé dans le rapport entre le religieux et plusieurs Québécois.» Alors qu’on tolérait auparavant de se présenter comme «catholique culturel», la religion a recommencé à apparaître pour ce qu’elle est: une religion, et non plus seulement comme une étiquette identitaire sans grand effet.



L’effet Ratzinger et Ouellet


Deux personnages sont alors venus renforcer ce sentiment: les cardinaux Marc Ouellet et Joseph Ratzinger. En deux ans, de 2003 à 2005, l’un a pris la tête de l’Église du Québec, l’autre est devenu souverain pontife. Dès l’élection du second, en 2005, Martin Meunier (dans L’Annuaire du Québec 2006, Fides) évoqua la possibilité que, compte tenu des positions du cardinal allemand, son pontificat annonce «un divorce entre la culture québécoise» et le catholicisme institutionnel.


Dans ses encycliques portant sur la charité, l’espérance et l’amour, le pape Benoît XVI a «peut-être déjoué ses détracteurs», puisqu’il s’est montré moins tranchant que prévu, note Meunier. Mais plusieurs événements, entre autres l’excommunication d’une jeune fille violée au Brésil (décision d’abord appuyée puis dénoncée par le Vatican), les propos du pape sur le sida et le préservatif en Afrique ainsi que la béatification de Pie XII, ont accrédité la thèse d’un retour à une ère pré-Vatican II.


Pendant ce temps, à Québec, le cardinal Ouellet a relayé et renforcé, par plusieurs décisions et prises de position, ce sentiment. Le choc fut d’autant plus brutal que l’Église du Québec avait surtout été façonnée depuis des décennies par des catholiques de gauche qui, comme l’a écrit Meunier, avaient «marché à plein dans le renouveau personnaliste et communautaire du catholicisme post-Seconde Guerre mondiale». C’est entre autres eux, les Mgr Parent et autres père Lévesque, qui firent la Révolution tranquille. Mais les positions du cardinal Ouellet sur la «laïcité ouverte» et l’instauration du cours d’éthique et culture religieuse ont été «perçues par plusieurs comme des positions montrant des signes sinon d’intransigeance, du moins de raidissement», note Meunier. De plus, le cardinal se prévaut d’un titre historique et grandement honorifique, celui de primat de l’Église canadienne, pour contourner des instances comme l’Assemblée des évêques catholiques du Québec.


C’est dans ce contexte que le Québec reçoit le scandale des prêtres pédophiles. «Le moment actuel est désagréable, mais ce n’est pas la mort de l’institution», soutient toutefois Jean Fortier, bras droit du cardinal Turcotte. «Au Québec, on sait ce qui est arrivé avec la Révolution tranquille et la place que l’Église occupe depuis. Mais on n’a pas disparu et ce ne sera pas le cas non plus, même si la situation actuelle n’a rien pour redorer notre blason.» Martin Meunier ajoute: «Ce n’est pas tant la fin de l’Église au Québec que la fin du lien particulier que la culture québécoise avait continué d’entretenir avec le catholicisme.»



Antoine Robitaille
Avec la collaboration d’Alec Castonguay
Le Devoir



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Aussi à lire : Forte hausse des apostasies à Québec en 2009.


Tabou jadis, la procédure est carrément promue par certains aujourd’hui.


Québec — Le nombre de demandes d’apostasie — reniement de sa foi — a fortement augmenté en 2009 dans le diocèse de Québec, passant de 94 en 2008 à 212 l’an passé, soit une augmentation de 126 %. À l’archevêché, on estime que le phénomène «demeure marginal». Le directeur des communications, Jasmin Lemieux-Lefebvre, souligne que la population catholique globale est de 1 101 724 âmes. Il indique que pour l’instant, en 2010, «nous sommes dans la moyenne avec 30 demandes» …

Archevêché de Montréal, campagne annuelle

Église Catholique de Montréal, Campagne annuelle (2010), Conception: Maxime Jenniss et Sylvain Thomin

Je viens tout juste de croiser une affiche de la campagne de cette année … En fait, Maxime Jenniss qui a travaillé sur ladite campagne (ici l’année dernière) m’en avait un peu parlé … Avant que je la croise ‘dans la rue’ je veux dire.


Bref, en cherchant des photos je suis tombé sur le texte qui suit (datant du 24 mars 2009) :



Depuis maintenant presque vingt ans, l’agence de publicité montréalaise Bos signe la campagne annuelle de l’Archevêché de Montréal. Un regard sur la mise en marché de Dieu, dans une socité dominée par les médias et où l’on oublie souvent de se souvenir.


Il faut bien se rendre à l’évidence: l’Église a de plus en plus de mal à survivre dans le Québec moderne. Elle est d’ailleurs la première à le reconnaître. Devant une société qui s’est désacralisée de manière radicale il y a près d’un demi-siècle, et qui préfère, depuis, visiter les centres d’achats plutôt que les églises, l’Archevêché n’a pas eu le choix: il a dû user de stratagèmes publicitaires pour assurer sa survie. Il faut savoir vivre avec son temps.


Cela fera donc vingt ans l’an prochain que Bos compte l’Archevêché de Montréal parmi ses clients. Un client bien particulier, souligne Hugo Léger, membre de l’équipe création de l’agence, puisqu’il ne s’agit pas ici de vendre un produit, mais une idée. Il faut comprendre, en premier lieu, que le besoin pour l’Église catholique de développer une campagne publicitaire est bien nouveau. Il y a à peine cinquante ans, on n’aurait pas imaginé devoir recourir à de tels moyens pour faire vivre la communauté religieuse au Québec. C’était les pratiquants eux-mêmes qui, à l’époque, étaient les porte-parole de la foi. Le sermon du dimanche suffisait alors à fidéliser les paroissiens, qui savaient se montrer généreux quand venait l’heure de la quête. Mais la situation a bien changé: les églises sont vides, et le clergé vieillissant a du mal à assurer sa survie. La nécessité de trouver d’autres moyens de communiquer avec le public se faisant de plus en plus pressante, les dirigeants de l’Église montréalaise ont décidé de se tourner vers la publicité. Quoi de plus naturel, après tout? Comme l’a lui-même souligné le Cardinal Jean-Claude Turcotte, la prêche, c’est un peu comme une publicité dominicale.


Une fois par an, donc, à l’occasion de sa collecte annuelle, l’Église se permet d’envahir à nouveau l’espace public, se réappropriant un lieu qui lui était auparavant acquis. Mais une question de taille se pose: comment fait-on pour mettre Dieu en marché? «Il faut toujours adopter un discours qui soit moderne», souligne Hugo Léger. Pour qu’une campagne comme celle de l’Archevêché de Montréal soit efficace, elle se doit de briser l’image traditionaliste de l’Église, de réactualiser une institution qui, plus souvent qu’autrement, passe pour désuète. Que ce soit visuellement ou à l’aide du texte, la publicité doit interpeller; c’est le cas pour n’importe quelle campagne publicitaire. Ce qui diffère, ici, c’est qu’elle doit également provoquer une réflexion sur l’Église, sur sa place dans la société. Il ne s’agit pas seulement de solliciter des dons, souligne le concepteur-rédacteur, mais de réaffirmer l’importance de l’Église dans la société québécoise. Et ça, ce n’est pas une tâche aisée.


Année après année, les campagnes imprimées de l’Archevêché ont attiré l’attention du public. Que ce soit dans les pages de La Presse et du Journal de Montréal, ou encore dans le métro et sur les panneaux d’affichage, les créateurs de chez Bos ont su provoquer, sans toutefois dépasser les limites du bon goût. En l’an 2000, par exemple, de gigantesques panneaux interpellaient en toute simplicité les Montréalais, leur posant une question lourde de sens: «2000 ans après qui?». Une sorte de «Je me souviens» nouveau genre, ce slogan avait fait tout un effet. Puis, pour commémorer le premier anniversaire des événements du 11 septembre 2001, Bos a créé une publicité toute spéciale: les deux tours sur fond blanc, tout simplement. Puis, en regardant de plus près, on se rend compte que les édifices sont formés des mots qui composent le «Notre Père». Une image subtile pour laquelle l’agence s’est mérité le Grand coq d’or au Publicité Club de Montréal 2002, tout en permettant à l’Église de s’inscrire véritablement dans l’actualité, alors qu’elle s’était depuis longtemps effacée de la sphère politique ou sociale. Plus récemment, trois panneaux ont beaucoup fait jaser. En rouge sur fond noir, trois sacres: «Hostie», «Ciboire», «Tabernacle». L’allure provocatrice de la publicité attire tout de suite l’œil. Puis, sous chaque mot, le passant peut lire tout à son aise la définition première de ces mots qu’il connaît pourtant bien. Si les réactions ont été vives au lancement de cette campagne, le clergé, lui, n’a pas regretté son audace. Comme le souligne Hugo Léger, «l’Église était dans son plein droit» lorsqu’elle a choisi de redonner un sens sacré à ces mots souvent bafoués.


Peu importe la campagne, l’Église réussit certainement à se faire remarquer et, surtout, à changer son image. Elle se défait de son statut d’institution dépassée pour véritablement entrer dans la modernité. Plus que cela, elle se présente comme active, vivante, et, surtout, annonce au monde qu’elle a des choses à dire. Dieu n’est pas encore passé de mode.


Malgré la situation difficile dans laquelle se trouve l’Église au Québec, il reste que la société québécoise a des racines fondamentalement catholiques. Il revient aux publicitaires d’utiliser intelligemment cet héritage mais, surtout, de le faire vivre, de le ramener à la mémoire des Québécois. Parce que la religion catholique fait véritablement partie du patrimoine culturel du Québec, et pas seulement de son patrimoine religieux. Ce n’est pas pour rien qu’on appelle Montréal «la ville aux cent clochers». Or, ces cent clochers, il faut les entretenir.


Dans tout cela, l’Église fait preuve d’une très grande ouverture. Aux dires de Michel Ostiguy, président de Bos, le Cardinal Jean-Claude Turcotte est très conscient de l’impact favorable que peut avoir une bonne publicité et fait une pleine confiance à l’équipe créative de l’agence. Comme quoi Dieu – et ses représentants – sont peut-être plus cool et plus modernes qu’on ne l’aurait cru.



Catherine Côté-Ostiguy
Le Délit

La complainte du vide intérieur

Une anthropologue se penche sur le côté sombre de la chanson actuelle.


Sous des airs souvent joyeux, nos artistes chantent la perte de sens et le cul-de-sac de la surconsommation, des Colocs à Loco Locass. Une critique en forme de nostalgie du lien social évacué avec notre héritage religieux. Saine complainte, juge l’anthropologue Isabelle Matte.


Les punks marginaux du «No Future» l’ont clamé. Les intellectuels l’ont annoncé aussi. Voici que la critique du capitalisme et d’un monde qui tourne à vide est rentrée dans le discours dominant et populaire. En témoigne la chanson québécoise actuelle, dont les textes regorgent de références apocalyptiques en forme de quête de sens, L’Échec du matériel de Daniel Bélanger en tête de liste.


C’est un constat que pose Isabelle Matte dans un chapitre de Modernité et religion au Québec. Où en sommes-nous?, ouvrage collectif tout juste paru aux Presses de l’Université Laval sous la direction de Robert Mager et de Serge Cantin.


«L’idée que le monde court à sa perte a quitté les marges du social et fait désormais partie de la trame narrative du discours normatif populaire», écrit la doctorante en anthropologie, qui a étudié la scène hardcore montréalaise à la maîtrise.


Comme l’écologisme, la chanson d’ici est un vecteur important de ce discours post-apocalyptique ambiant, car depuis La Rue principale des Colocs, l’anthropologue constate que, sur des airs musicaux souvent joyeux, nos auteurs-compositeurs-interprètes cultivent un pessimisme ravageur, où l’idéologie du marché a remplacé l’humanisme et la spiritualité.


«La critique sociale a toujours fait partie de la jeunesse contestataire, reconnaît celle qui enseigne aussi à l’Université Laval. La différence que je perçois dans la chanson québécoise contemporaine, c’est qu’il ne semble pas y avoir d’espoir. Ce n’est pas « un nouveau monde est possible » [comme le chantait la génération du baby-boom], c’est « le monde court à sa perte ».» Seule issue: la fuite, l’épuisement dans le présent. D’où les musiques festives et entraînantes des Cowboys Fringants, des Colocs, de Mes Aïeux…


Ce changement radical des visions du monde, Isabelle Matte l’attribue à l’«inversion structurelle» qui s’est opérée avec la Révolution tranquille. «Nous parlons du passage d’un catholicisme englobant une bonne partie de la réalité sociale et existentielle des Québécois à une religion qui se doit d’être choisie par l’individu. Le passage, donc, d’une société largement traditionnelle à une société de consommation post-industrielle», écrit-elle, un peu à contre-courant de ses collègues-auteurs qui tentent plutôt de relativiser l’impact de la Révolution tranquille pour montrer la persistance d’un sens religieux qui s’est simplement diversifié.


Loin de plaider un retour au religieux, la chanson actuelle exprime surtout un vide, un manque, que la religion a longtemps comblé, précise Isabelle Matte, qui s’intéresse depuis six ans aux impacts culturels de la sécularisation, en comparant l’après-Révolution tranquille et l’après-Celtic Tiger irlandais.


«J’ai l’impression qu’il y a une espèce d’idéalisation du passé sans vouloir du tout y retourner, affirme-t-elle. Les jeunes ne sont pas fous. Le problème n’est pas le rejet de la religion comme telle, mais ils sentent une sorte de perte, moins du mode de vie que du lien social, du sentiment d’appartenance.» Elle rappelle le sens étymologique du mot religion, qui signifie relier, pour illustrer à quel point le catholicisme québécois unifiait toutes les sphères de la vie.


Cette nostalgie, Mme Matte la perçoit comme saine et positive. D’une part, elle reflète l’intensité toute particulière avec laquelle a été vécue la Révolution tranquille au Québec, période de contestation politique, de révolution sexuelle doublée d’un mouvement de sécularisation en mode accéléré. D’autre part, elle dénote une curiosité nouvelle, un «désir de se lier à ce passé [longtemps évacué et que les jeunes connaissent souvent mal, note-t-elle], de jeter un pont, de faire partie d’une continuité.»


L’anthropologue s’explique ainsi le retour en force de musiques d’allégeance plus folklorique, comme celle de Mes Aïeux, et l’émergence de phénomènes comme les Commandos Trad, ces musiciens qui prennent d’assaut les stations de métro (surtout celles aux noms liés à notre histoire comme Papineau, Lionel-Groulx) pour redonner vie aux airs hérités d’une riche tradition orale.


«Il y a des choses qui n’ont pas été digérées. Et là, ça ressort, sous des formes diverses. Il y a encore beaucoup d’éléments un peu pré-modernes ou traditionnels dans la société québécoise. Il faut les voir, les connaître mieux, pour pouvoir vivre avec ou s’en défaire.»


La doctorante s’intéresse depuis six ans au catholicisme, mais d’un point de vue anthropologique, hors de l’institution, donc, pour comprendre «comment ça se vivait». Son sujet de thèse porte sur le processus de sécularisation post-Révolution tranquille, qu’elle compare aux effets de la Celtic Tiger en Irlande. C’est aussi à titre de fan (et forte de sa maîtrise) qu’elle a choisi de fixer sa lorgnette anthropologique sur la musique québécoise.


«Dans les productions culturelles d’ici, il y a un réel souci d’où on s’en va, dit-elle en citant notamment la trilogie du cinéaste Bernard Émond sur les vertus théologales. Je trouve nos artistes intelligents, ils ont un discours sur le monde qu’on se doit d’entendre. Il faut les écouter…»



Frédérique Doyon
Le Devoir



Merci Anne-Marie Lavigne